Les contes sont à l’honneur cette fois-ci pour le retour aux classiques impulsé par Moka et Fanny chaque mois. Des contes que j’avais envie de lire depuis un moment pour ma part, de cette chère Beatrix Beck, chez les magnifiques éditions du Chemin de fer.
Imaginaire narquois, onirisme magique, réalisme débordant, sombres échos, espièglerie maline garnissent ce recueil qui dresse un beau tableau de l’univers de l’autrice.
18 contes sont réunis ici, parus entre 1954 et 1986 et proposés chronologiquement, nous permettant d’entrapercevoir des cheminements dans son oeuvre et son esprit. Des contes écrits dans son adolescence d’abord, que l’on trouve en début de recueil, très liés à la nature et aux éléments. Du merveilleux noir où l’humour flirte avec les humeurs sombres et où la mort rôde aussi, parfois.
« Le torrent déborde, cherchant à entraîner Elie dans ses remous, glou glas, glou glas, sonne le glas.
Une bête vient par-derrière le mordre au talon.
Il s’agenouille pou étancher sa soif à une source. La source rentre sous terre.
Il se penche pour cueillir une baie. La baie pourrit dans ses mains.
A bout de forces, Elie se laisse tomber sur la mousse.
La mousse prend feu. »
Qu’il s’agisse d’Aure qui cherche inlassablement un endroit où se poser éternellement, de la Rose des Vents errante, d’une jeune fille éperduement amoureuse d’une statue, d’une clé autour de laquelle se construit un palais subrepticement en coeur de forêt, d’une gargouille désireuse de sentir l’air qui circule ailleurs, nous évoluons dans ces courtes histoires où la poésie badine avec l’inattendu.
« Torquebuse la gargouille sentit s’émouvoir ses entrailles de pierre. D’un coup de reins, elle s’arracha de la cathédrale, laissant à sa place une cicatrice blanchâtre. Elle fixa l’horizon de ses yeux de caillou, étendit avec fracas ses ailes massives, séleva pesamment et parti d’un vol cahotant. Elle volait avec lenteur, agitant à peine ses ailes hiératiques. »
Beatrix Beck avait un don incontestable de raconteuse d’histoires, révélant l’éternité, l’envie, les coups du sort, l’amour, la quête d’absolu dans un écrin étrange, et dans une langue à la fois riche et souple, leur donnant encore plus d’immensité.
Au fil du temps, on constate que Beatrix Beck médite davantage sur les usages de l’humain sur son monde, avec toujours cette fantaisie élégante et cette langue aiguisée qui explore les codes du conte traditionnel en les jouxtant à son propre imaginaire. Le royaume au pied de l’arc-en-ciel explore notamment le pouvoir du collectif et la notion de sacrifice. Nous croisons également la soif de liberté, le manque, les quêtes impalpables. Les cinq derniers contes sont plus malicieux avec notamment des jeux de langue absolument savoureux.
« Oncle Séraphin va me rapporter un épouvantail, dit Bergamote.
– Pas un épouvantail, répond sa mère. Un éventail.
– Un éventail pour les poux, c’est un épouvantail ? demande Bergamote.
– Ne joue pas avec les mots, conseille son père.
– Je ne risque pas, Papa. Il faut éviter les mots.
– Qu’est-ce que tu racontes ?
– C’est la maîtresse qui l’a dit. Au singulier, un mal. Au pluriel, des mots. « Les mots qui nous frappent. » C’était dans ma récitation. »
Un recueil de toute beauté, édité dans la collection Micheline et son beau papier bleu, avec les fabuleux collages et montages oniriques et chimériques de Renaud Buénerd, cofondateur des éditions du Chemin de fer, éditeur, graphiste et illustrateur.
Un recueil qui permet une belle entrée en matière dans l’oeuvre de Beatrix Beck, ou d’explorer une autre facette de son oeuvre. Des contes à glisser audacieusement dans de nombreuses mains de tous âges.
Pour en savoir plus, lisez cet article et quand vous aurez un peu de temps écoutez cet immanquable podcast des Parleuses.
L’enfant qui cherchait la petite bête
et autres contes inédits et retrouvés
Beatrix Beck
Editions du Chemin de fer
2015
112 pages
Et fouillez donc au passage le catalogue de cette maison qui regorge de pépites…!
Retrouvez les autres rdv autour des contes par ici.
Prochain rdv fin janvier autour de Big Brother…
Si vous souhaitez en savoir plus, voire même rejoindre (régulièrement ou ponctuellement) l’équipée, c’est par là.
Autrice totalement inconnue au bataillon. Et j’aime quand tu m’entraînes vers ces contrées littéraires encore à découvrir. L’édition que tu présentes a également l’avantage d’être un très beau livre d’après ce que j’en vois. Merci pour cette chouette suggestion « pas si classique » comme tu sais si bien les trouver.
Ah je suis ravie si ça te tente 🙂 Le prochain conte sera un peu plus « classique » 😉
Effectivement, un éditeur à découvrir !
J’adore aussi cette maison d’édition. D’ailleurs de cette autrice j’ai toujours dans ma pal « Stella Corfou ».
Et tu mets une française d’origine belge à l’honneur, c’est chouette 🙂
Stella Corfou est dans ma pile aussi ♥.
Je ne connaissais pas cette maison d’édition mais ton recueil de contes donne envie de la découvrir.