Mirage – Edogawa Ranpo

Polars et romans noirs sont à l’honneur ce mois-ci pour ce retour aux classiques impulsé par Moka et Fanny aux côté d’une joyeuse clique de motivé.e.s. J’avais une pile longue comme le bras car j’avais très envie de me replonger dans ces univers, mais en ce moment le temps file, pas tant pour lire mais aussi, surtout, pour écrire ! Alors pour ce premier (les autres suivront, un jour), direction l’Asie avec le grand maître de la littérature policière japonaise, Edogawa Ranpo.

L’univers d’Edogawa Ranpo est fait d’énigmes, de noirceur humaine, d’angoisses. On croise aussi des corps tâtonnants, des esprits tordus, et des accointances perverses qui donnent le ton.

Ici, deux nouvelles. Mirage n’appartient finalement pas tellement au registre policier annoncé. Nous assistons à la rencontre entre deux hommes à bord d’un train, dont l’un transporte un énigmatique tableau qui semble plus vrai que nature. On flirte davantage avec le surnaturel, et même dans un esprit finalement proche du conte fantastique, l’auteur maitrise un art du suspense énigmatique aux petits oignons qui fait un peu penser à La Quatrième Dimension (que j’adore !). 

« De trois choses l’une : ou bien j’ai rêvé l’histoire que je vais vous raconter ; ou bien j’ai été la victime d’une hallucination visuelle dans un moment de délire ; à moins que je n’aie eu tout simplement affaire à un fou en rencontrant cet homme qui voyageait avec son oshie. Chacun sait que le songe nous permet parfois de jeter un regard furtif sur un monde en décalage avec le nôtre. »

Avec Vermine, gros plongeon dans le noir angoissant aux côtés d’un misanthrope bien gratiné qui se prend d’une passion dévorante et dévastatrice pour une actrice de théâtre. Edogawa tisse ici la quintessence de l’atmosphère malaisante. Nous sommes à la fois dans le très subtil et le bien scabreux mais ça reste une nouvelle alors pour les âmes sensibles je dirais que la courte nausée en vaut la chandelle car c’est vraiment bien mené et posé.

« Mortifié, humilié, Masaki ne pouvait s’empêcher de trembler de tout son corps. La fureur qui l’assaillit fut telle qu’en réalité, il est permis d’affirmer que le mobile initial qui le conduisit à commettre cet effroyable crime prit naissance dans ce rire. »

Alors oui, si l’on est habitué à lire du thriller contemporain, ça paraît forcément un peu daté, mais si l’on prend la mesure du polar nippon des années 30, Edogawa Ranpo est à découvrir absolument, à la fois en tant que classique policier et comme incursion dans la littérature japonaise. Il existe quelques recueils de nouvelles et des romans mettant régulièrement en scène le détective Kogorô Akechi (je garde notamment un bon souvenir du Lézard noir).

Pour la petite histoire, Taro Hirai est né en 1894. Il publie sa première oeuvre à l’âge de 29 ans sous le pseudonyme Edogawa Ranpo, transposition phonétique en japonais d’Edgar Allan Poe, grand maître devant l’éternel pour l’écrivain.

Sur ma pile, il y avait également du Hard-Boiled (des histoires de durs-à-cuire en gros) avec l’intégrale des nouvelles de Raymond Chandler, la découverte de Ahmed Abdullah avec son Parfait gentleman et autres histoires criminelles de Chinatown, et le recueil Meurtres en douceur et autres nouvelles (un mois à nouvelles oui) de Ray Bradbury. Vous en verrez la couleur prochainement par ici… ou pas ! 😉

Mirage
Edogawa Ranpo
traduit par Karine Chesneau
Editions Picquier
2000
parution initiale 1929

Retrouvez les autres rdv policiers et noirs par ici.
Prochain rdv fin janvier autour des gros dégueulasses (rien de moins)…

Si vous souhaitez en savoir plus, voire même rejoindre (régulièrement ou ponctuellement) l’équipée, c’est par là.

8 commentaires sur “Mirage – Edogawa Ranpo”

  1. Merci pour le partage et la découverte de cet auteur que je ne connaissais pas. J’ai noté son nom afin de pouvoir partir à sa rencontre prochainement.

    1. Je me suis mise à la littérature japonaise il y a quelques années, un de temps en temps. Et à chaque fois j’aime, alors j’y retourne de plus en plus régulièrement. Dans les contemporains je te recommande Aki Shimazaki, des textes courts qui donnent le ton, et en plus qu’elle écrit en français.

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