Nouvelles de prison – Albertine Sarrazin (Le Chemin de fer)

Nous poursuivons dans la veine du roman autobiographique pour le retour aux classiques impulsé par Moka et Fanny chaque mois, avec une autrice que j’avais beaucoup aimé découvrir il y a quelques années à travers son Journal de prison et avec son texte Bibiche, une autrice déterminée et affirmée à la vie trop courte et à l’oeuvre remarquable.

Albertine Sarrazin est née en 1937 à Alger de parents inconnus, confiée à l’Assistance publique puis adoptée deux ans plus tard par un médecin militaire et une infirmière de 58 et 55 ans. Ils déménagent dans le sud de la France vers ses dix ans, elle y suivra une instruction rigide et religieuse qui n’entachera pourtant pas ses envies d’ailleurs. Trop indisciplinée pour les moeurs de l’époque, son père tentera de la museler par l’enfermement en maison de correction ou prison pour mineurs. Elle retournera ensuite régulièrement à l’ombre suite à des vols et braquages, continuant malgré tout ses études et tentant, avec succès, l’écriture. Editée par Jean-Jacques Pauvert, elle alterne publications, prison, picole, grand amour et vie au jour le jour. Elle décède alors qu’elle n’a même pas trente ans, victime d’une erreur médicale lors d’une opération du rein.

Ses récits conjuguent verve argotique, poésie, regard franc et une certaine finesse audacieuse dans la langue. Dans ces Nouvelles de prison, elle décrit des scénettes d’un quotidien carcéral rythmé par le travail de couture, les jours de lessive, le café ou les fêtes de Noël. Des épisodes au cours desquels nous croisons co-détenues et surveillantes, amies sincères ou compagnies détestables. Un quotidien en huis clos qu’elle relate avec légèreté, humeur et humour, décrivant ce qui s’y noue et ce qui se joue, dans ce décor qu’elle côtoiera durant huit ans.

Un dernier texte accompagne ce recueil, hors de la prison cette fois, Voyage à Tunis, où elle raconte son retour au Maghreb, de la prise d’avion à des considérations plus affutées sur les milieux littéraires.

« L’habitude du lundi, je l’ai dit, c’est la lessive. Pour ne pas perdre une minute, Mary se fait laisser sa porte ouverte à midi, et redescend à la buanderie dès qu’elle a englouti son repas. Cette porte ouverte tourmente bien quelque peu les surveillantes, mais Mary ne va pas en profiter pour s’évader, pas, et puis du reste c’est ça ou leur linge. Donc, lorsque j’entre à l’atelier, le lundi à quatorze heures, je trouve les lieux déserts. Je trouve aussi, sur la table, mon filtre déjà garni, et la quantité d’eau appropriée dans une casserole, près du poêle – lorsque je voudrai bien… Mary place même, près du verre, un demi-sucre (le vrai kawa ne se sucre pas, ai-je dit, à la rigueur un bout « à la croquette »), et, au cas où je changerais d’idée et me déciderais à touiller comme elle, une cuiller pas trop sale. Et ces façons de maniaque, qui le reste du temps m’horripilent, le lundi m’émeuvent. »

Et mention spéciale pour les Editions du Chemin de fer dont je ne me lasse pas, ici avec leur collection Micheline au papier bleuté de toute beauté !

Nouvelles de prison
Albertine Sarrazin
Le Chemin de fer (collection Micheline)
2019
Parution initiale éditions Sarrazin 1973
112 pages

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Prochain rdv fin octobre autour d’un 100% autrices…

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1 commentaire sur “Nouvelles de prison – Albertine Sarrazin (Le Chemin de fer)”

  1. C’est donc celui-ci pour lire ce à quoi je m’attendais en ouvrant Journal de prison ! Personnellement, son journal n’a pas été un succès, mais j’avais adoré certains de ses romans et je compte bien lire ses autres livres ! Ta chronique donne envie de laisser la priorité à celui-ci !

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