Grand retour de Mc Cash, ex-flic borgne borderline. L’histoire reprend là où on l’avait laissée ou presque, avec sa fille qui s’est ajoutée au tableau, une ado dont il se voit attribuer la garde sans pouvoir moufter.
« Argent ou pas, l’ex-flic ne supportait pas l’idée de trimbaler sa fille dans un bouge, un Formule 1, une maison d’hôtes avec mémé à coiffe leur servant des tartines beurrées au petit déjeuner et le bruit de la pendule dans la cuisine. Quitte à crever, autant le faire avec panache. »
C’est le temps des vacances, et de l’errance, pour pallier au manque de perspectives où poser ses valises. Bien heureusement pour lui, Mc Cash va se trouver happé dans une enquête de cœur, au sujet de la disparition louche d’un vieil ami qui officiait aussi bien au barreau qu’à la barre, qui lui permettra de fermer un temps l’œil sur sa vie en passe de péricliter.
« Ils avaient trouvé deux Bretonnes dans la boîte du coin, qu’ils avaient emmenées sur le green du golf voisin, poursuivi leur after dans un bar à ploucs près du marché qui ouvrait, enquillé les petits blancs secs au rythme des huîtres avant de gagner le ponton et partir en mer, direction Ouessant. Des tonnes d’embruns sur leurs yeux froissées et des sourires féroces avaient fini de sceller le pacte. Une amitié celte, semblable à un vieux grille-pain déglingué : difficile d’y entrer, impossible d’en sortir. »
Ambiance polar pur jus, désenchanté tout en gardant gouaille et humour cinglant. Caryl Férey retrouve efficacement son limier bancal, toujours brut de décoffrage et plus tendre qu’il ne veut bien le dire. C’est par lui que je l’ai connu il y a un peu plus de dix ans et c’était ici comme retrouver un vieux pote, en attendant une nouvelle escale ailleurs dans le monde. Un bon cru donc, même si le trait est parfois un gros et un peu trop manichéen, notamment lorsqu’il aborde la question des clandestins en exil et ce qui s’y rattache, trafics, corruption, exploitation. Mais ça fonctionne bien, et on est happé dans cette histoire de famille, de retrouvailles et de mafieux entre embruns bretons et Grèce qui tente de relever la tête. Polar social, actualité corrosive et humour noir, portés par une écriture enlevée qui peut être cinglante, un cocktail toujours efficace. Une bonne entracte.
Plus jamais seul
Caryl Férey
Gallimard (Série noire)
320 pages
2018