« Pierre est un curé « de gauche ». Il est cool. Il est drôle.
C’est pas un prêtre, c’est un bonhomme.
Moi c’est comme si j’avais un nouveau tonton.
Un excellent, qui rit, qui chante, qui chatouille. »
Olivier a grandi entre des parents bohèmes, tendance libertaire et « baignades à poil dans la nature », et des grands-parents plus traditionnels qui tiennent à ce qu’il reçoive un minimum d’éducation religieuse. Quand ils rencontrent Pierre, un curé anticonformiste, tout le monde l’adopte. Olivier aussi, il va l’idolâtrer même, le suivre en colonie de vacances plusieurs années, jusqu’au jour où Pierre va lui demander des faveurs déshabillées…
Cette histoire, on se la prend véritablement en pleine face. Même si l’on connaît le sujet de cette BD, on se laisse avoir par cette fausse légèreté de départ et on se fait avoir, comme cet ado finalement qui se retrouve face au mur, empêtré dans un mélange de pensées confuses et un profond sentiment de trahison. Une confiance solide qui s’envole subitement et violemment pour laisser place à l’incompréhension totale. La culpabilité, insidieuse et de plus en plus lourde à (sup)porter, le malaise que le temps transforme en rage noire, où il n’y alors plus d’autre issue que de tuer Pierre, plusieurs fois s’il le faut.
On découvre le narrateur à différents âges de la vie, de 7 à 35 ans, âge où il réalise et surtout admet que ce qui semblait insignifiant est devenu invivable et insupportable. Olivier Ka privilégie les mots tranchants, ceux qui claquent, pour ce récit autobiographique qui vient du fin fond des tripes.
L’heure pour l’auteur de faire le point sur un événement tragique de sa vie, accompagné dans cette démarche par son ami illustrateur Alfred (le même qui avait adapté de façon remarquable le roman de Guillaume Guéraud Je mourrai pas gibier), qui maîtrise l’art de transmettre une atmosphère à la fois réaliste et pudique.
Le thème de la pédophilie de façon originale et très marquante, la retenue évidente dans la transmission de cette histoire si personnelle, la confusion des sentiments, l’amertume, la révolte et la colère, et enfin le pouvoir libérateur du travail sur soi et de l’écriture. Très fort !
A lire absolument.
Pourquoi j’ai tué Pierre / Olivier Ka (scénario) et Alfred (dessin). Editions Delcourt (collection Mirages). 2006. 112 p.
Prix du public Angoulême 2007
Ca a l’air extrêmement poignant… Merci pour l’article.
Oui très ! Cette bd fait partie de ces livres empruntés que je vais finir par acheter…
Vraiment une réussite, à découvrir ! 😉
Je suis d’accord avec toi, à lire absolument !
Un très beau billet pour une très belle BD que l’on reçoit en pleine face 😀
Merci
Merci beaucoup :-). Je vois que ça a été un beau coup de coeur pour toi aussi.