Pussy Riot Grrrls – Manon Labry ( iXe)

Les Riot Grrrls ont émergé dans les années 90. Il s’agit alors de groupes de nanas qui en ont assez de se taire, de féministes militantes qui puisent dans l’énergie et l’audace du punk et du DIY (fais-le toi-même) pour fonder un mouvement qui s’est étoffé au fil du temps et perdure encore.

La démarche est au départ essentiellement musicale, s’inspirant de groupes des années 70-80 tels que The Au Pairs, The Slits ou The Runaways (je cite volontairement les groupes même si vous ne les connaissez pas pour sournoisement y insérer les liens qui permettront d’aller les découvrir). Les années 90 ont donc vu émerger notamment les Bikini Kill, Bratmobile, The Butchies et bien d’autres parmi d’autres groupes plus connus comme L7 ou Hole. L’idée c’est de prendre la place et de le revendiquer, en dénonçant les violences domestiques ou sociétales, sexuelles, politiques, en abordant les questions de patriarcat, de pouvoir, d’éducation, de racisme, et en les repensant fondamentalement. 

« Pour reprendre la formule par laquelle Allison Wolfe (Bratmobile) résume le projet des riot grrrls, l’idée est de « rendre le punk plus féministe et le féminisme plus punk », et cela suppose « de prendre pied à l’intersection entre punk rock et féminisme, et d’exister pile là ».

Les Riot Grrrl ont pris racine au départ de façon assez localisée aux Etats-Unis avant de se répandre, et géographiquement, et culturellement avec des fanzines et des démarches artistiques qui se sont diversifiées. Manon Labry a décidé de se pencher sur la question en consacrant notamment sa thèse à la sous-culture punk féministe.

Ici, après un topo historique sur mouvement initial (si vous voulez en savoir plus, lisez son autre bouquin Riot Grrrl, chronique d’une révolution punk féministe, éditions Zones), elle dresse un panorama de ce qui en a découlé, l’intérêt des journalistes, l’augmentation de leur visibilité et les tentatives de récupération, le revival dans les années 2000 avec l’émergence de nouveaux styles musicaux comme l’électroclash et l’électropunk (Miss Kittin, Le Tigre…), l’organisation de ladyfests (festivals féministes pluridisciplinaires regroupant concerts, débats avec prise de parole facilitée, réunions non-mixtes, échanges, expos, projections, performances, lectures, ateliers…), l’apport du courant queer et ses liens de plus en plus forts avec le riot (l’orientation féministe s’est naturellement portée vers les questions d’homosexualité et la cause LGBT), ainsi que d’autres déclinaisons du mouvement riot comme les Girls Rock Camps ou plus récemment les Pussy Riot

« Dans la culture occidentale, il y a tout ce truc qui oppose l’individu à la communauté. Dès qu’il y a un mouvement politique, les gens ont peur parce qu’ils ont la trouille de perdre leur individualité. Alors que l’autokeonomy c’est ce qui permet à ton individualité de renforcer ton sentiment de communauté, et à ton sentiment de communauté de renforcer ton individualité ». (Kathleen Hanna, Bikini Kill)

Le féminisme actuel est ce qu’il est par son histoire, dont celle des Riot Grrls, et Manon Labry en fait ici une belle restitution, de ce courant féministe encore trop méconnu et qui a pourtant inspiré des tas de mouvements contemporains. Bien que la majeure partie des exemples cités soient américains, l’auteure élargit davantage son propos dans la seconde partie du livre, avec notamment les Girl Rock Camp et les Pussy Riot qui ont, pour le coup, crevé l’écran en 2012, la boucle étant bouclée, l’exemple démontrant bien que le mouvement des Riot Grrrls n’est plus si récent et surtout loin d’être mort.

Un essai très documenté et truffé de références qui seront peut-être un peu indigestes pour des néophytes qui ne voudraient pas en rater une miette, un portrait très instructif qui fait plaisir à lire et qui donne un  éclairage différent sur l’évolution du féminisme depuis 30 ans.

Les éditions iXe publient depuis 2010 des textes qui expriment le féminisme contemporain. 

Pussy Riot Grrrls
Manon Labry
Editions iXe
2015
216 pages

Lu dans le cadre de l’opération Masse critique.
Merci à Babelio et aux éditions iXe pour cette enrichissante et vivifiante lecture. 

 

 

 

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