Fidèle à ses habitudes, Franck Thilliez livre un thriller palpitant qui vous tient en haleine jusqu’au bout. Rebondissements, gestion de la confusion, va-et-vient entre les chapitres et dans le temps, l’auteur sait mener son scénario avec une construction aiguisée, un sujet documenté (moins frappant que pour ses autres romans cependant) et des descriptions très cinématographiques. Dans REVER, il explore le thème du sommeil et des maladies qui y sont associées, la nuit, les cauchemars, les peurs enfantines.
Abigaël souffre de gros problèmes de sommeil, avec une narcolepsie de plus en plus invasive et des rêves plus vrais que nature. Psychologue appréciée, notamment pour sa clairvoyance dans les enquêtes policières, elle lutte chaque jour pour démêler le vrai du faux, le réel de l’imaginaire, et trouve dans l’automutilation une parade qui l’ancre dans le présent.
Depuis qu’elle a perdu sa fille et son père dans un accident de voiture dont elle est elle-même sortie elle-même, elle reconstruit sa vie avec un acharnement au travail qui ne trompe personne. L’enquête en cours concerne un rapt d’enfants particulièrement retors et malsaine. Certaines coïncidences la renvoient à son propre accident et l’incitent à repenser aux circonstances du drame. Et si toute la lumière n’avait pas été faite ?
« Que sommes-nous, sans mémoire, sans souvenirs, sans le rappel de ces visages, de ces voix qui ont accompagné nos existences ? Juste un point sur la courbe du temps ? Une fleur qui a éclos, mais sans parfum ni couleur ? »
J’ai beaucoup lu de Franck Thilliez, je l’ai suivi longtemps, puis j’ai eu besoin d’une pause. Besoin de prendre le large du duo Hennebelle / Sharko, que j’aime bien mais qui versent un peu trop dans le pathos à mon goût dernièrement, et puis pour retrouver le sens de l’intrigue. Quand on connaît bien un auteur, qui plus est en polar, on reconnaît les ficelles, les surprises sont moins grosses, l’attente moins palpitante.
Plonger dans REVER a été comme enfiler une paire de chaussons, avec ce plaisir intact de retrouver la facilité de l’auteur à m’embarquer dans une intrigue bien ficelée qui me tiendra en haleine pendant trois jours. Pour autant, il faudrait quand même qu’il réfléchisse à réduire la dose de pathos, ça devient grotesque. L’accumulation de malheurs devient un peu mécanique et c’est dommage.
Plus que jamais, Franck Thilliez joue avec son lecteur, il le connaît et lui tend des perches, le balade dans le bouquin et sur internet, lui donne quelques clés et l’incite à en chercher d’autres. C’est du roman nouvelle génération, du roman 2.0 pourrait-on dire, ça marche bien, c’est fun, mais le fond semble s’aplatir par ricochet, là encore dommage.
Malgré les quelques bémols, ça reste un bon thriller efficace, avec mains cramponnées au bouquin et sueurs froides dans le bas du dos. Alors oui c’est un peu gros, un peu déjà –vu et invraisemblable, mais ça reste bien mené et diablement efficace, pourquoi se priver ?
Rêver / Franck Thilliez. Fleuve Noir, 2016
« Sa nervosité lui provoqua un fou rire : l’image d’une narcoleptique-cataplectique, le nez collé au pare-brise pour essayer d’arriver à destination, avait quelque chose de tragi-comique.
Après trois heures qui lui en parurent dix, l’éclat de ses phares révéla finalement un petit hôtel deux étoiles, à proximité du panneau d’entrée de la commune. Elle s’imagina à la place de Janet Leigh dans Psychose. Elle courut jusqu’à l’accueil avec sa valise sous le bras, et entra presque trempée, la coiffure en pétard. Heureusement, le réceptionniste n’avait rien d’un Norman Bates. Plutôt le genre de type à boire de la bière en caressant un chat et en regardant un épisode de Walker, Texas Ranger. »