Tout plutôt qu’être moi – de Ned Vizzini

Craig a quinze ans. Il vient d’intégrer une prestigieuse école à New York. Aux Etats-Unis, le jeu des études supérieures commence un peu plus tôt qu’en France. Les concours sont fréquents pour intégrer un bon lycée, qui préparera à l’entrée dans une université réputée. Craig est bon élève mais pas naturellement brillant. Il ne peut pas faire illusion, il doit travailler dur, ce qu’il fait, il ne lâche rien, révise jour et nuit. Il vise l’excellence qui lui assurera un avenir de rêve, du moins sur le papier, un bon job, un bon salaire, une belle maison, une femme, des enfants, un chien, et pourquoi pas devenir un jour Président des Etats-Unis.
Pourtant depuis quelques temps, Craig ne va pas bien. Il n’a plus de motivation ni de goût, la moindre démarche devient insurmontable, il n’arrive plus à manger ni à dormir. Comme beaucoup d’adolescents, Craig est en pleine dépression. Pas le vague à l’âme passager adolescent provoqué par quelques boutons de trop ou une déception amoureuse, non, la grosse dépression, celle qui vous mène loin, trop parfois, celle qui certains jours vous donne envie de tout arrêter là, de sauter du pont et d’en finir.

Ned Vizzini décrit avec une grande finesse la lourde dépression. Il a écrit ce roman en un mois après avoir séjourné en hôpital psychiatrique. On comprend davantage la justesse et la pudeur dont il fait preuve. Il aborde l’abattement, l’internement,  la prise en charge et le traitement des problèmes psychiatriques, le regard des autres, la vulnérabilité.

Tout plutôt qu’être moi évoque plusieurs sujets, soulève de nombreuses questions. Si le propos central repose sur la dépression, il s’agit avant tout d’un grand roman sur l’adolescence. On y retrouve les tourments adolescents, les premières amours, les premières fois, le rapport au sexe, les potes, la drogue, les déceptions, les illusions, les réactions à fleur de peau, l’intensité des ressentis. En toile de fond, il pointe le système scolaire américain, la course aux grandes écoles et à un avenir radieux, les valeurs véhiculées et parfois considérées comme le graal, la pression sociale, les choix, le stress, les fausses routes qui agissent comme des bombes à retardement.

Le grand talent de Ned Vizzini est de ne jamais sombrer dans le pathos. D’ailleurs le titre original It’s kind of a funny story donne bien le ton. Il livre un brillant récit sur l’adolescence, très bien écrit. Ses mots raisonnent, ils ont le pouvoir de s’adresser à tous, de mettre le doigt sur ce qui guette chacun de nous. Un roman foisonnant, touchant, précieux.

Lisez-le, offrez-le à un ado, ou laissez-le trainer sur la table du salon.

Ecouter un extrait :

Tout plutôt qu’être moi / Ned Vizzini. La Belle Colère, 2016
Adapté au cinéma en 2010, Une drôle d’histoire, de Anna Boden et Ryan Fleck

La Belle Colère est une toute jeune maison d’édition (6 titres publiés à ce jour). Un très beau nom qui colle parfaitement à son catalogue constitué de romans dont les personnages principaux sont des adolescents. Des traductions pour l’instant, de très belles trouvailles, de l’audace, des tripes.
A découvrir également chez cet éditeur Vite, trop vite, de Phoebe Gloeckner.

3 commentaires sur “Tout plutôt qu’être moi – de Ned Vizzini”

  1. Une de nos ados avait adoré « dieu me déteste » chez le même éditeur… je vais me pencher sur ce titre pour le proposer en qualité si ce n’est déjà fait!! Merci Alice!

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