Un funambule sur le sable – de Gilles Marchand (Aux Forges de Vulcain) #MRL17

« Et je comprends aujourd’hui que les vrais héros ne sont pas ceux qui ont des super pouvoirs, mais ceux qui en sont dénués et qui continuent à avancer. »

Stradi est né avec un violon dans la tête. Panique à bord pour les médecins qui cherchent à tout va comment il a pu arriver là tout en maquillant tant bien que mal leur incompréhension et leur méconnaissance du sujet. Inquiétude des parents, bien compréhensible devant l’objet inattendu placé dans le carafon de leur rejeton et la posture énigmatique du corps médical. Toutes les questions restent bien évidemment en suspens et toutes les possibilités sont finalement envisageables.

Comment va évoluer le violon en question, va-t-il suivre la croissance de l’enfant ou rester bien planqué dans un coin ? Et que faire si une corde lâche ? Quelles seront les conséquences physiologiques sur le développement du petit ? Bref, tout un tas d’interrogations forcément sans réponse qui placent l’enfant dans un cocon de prudence car sait-on jamais ce qu’il pourrait se passer.

On l’a rapidement surnommé Stradi cet enfant, son violon ne manquant pas d’entrain pour se faufiler dans le quotidien avec un morceau toujours très à-propos, voire même souligner quelques scènes épiques avec un sens de l’humour bien senti. Imaginez par exemple un presque premier baiser au son de la Décadence de Gainsbourg.

On l’accompagne ainsi au fil du temps, au fil des ans, au gré du quotidien, des événements marquants de sa vie, aux côtés des parents, du frère, d’une infirmière, du meilleur ami, du grand amour, des voisins. Nous sommes dans l’apprentissage, dans l’initiatique, avec une amitié splendide à frémir et un amour magnifique.

« Elle a commencé à sourire, à dégager une mèche qui lui caressait le visage, dévoilant une pommette et une légère fossette. Elle me voyait, elle me regardait, elle me souriait. Mon violon a commencé à s’emballer et j’ai dû lutter pour que le son reste bien à l’intérieur. Je ne me souviens plus si j’ai réussi à sourire, je ne suis même pas certain d’avoir essayé. Je cherchai quelque chose à lui dire, je ne trouvai rien. Je recherchais quelque chose à faire, je ne trouvai rien. A la troisième tentative, j’abandonnai, me contentant d’avancer ma jambe gauche puis la droite pour me retrouver face à elle.
Bonjour, je m’appelle Stradi.
Je sais. »

La musique est forcément primordiale dans ce roman, et Gilles Marchand égraine une discographie faite de classiques du rock, de chansons de toujours, de musiques de films et autres morceaux que l’on se plairait à retrouver dans une playlist dédiée.

Gilles Marchand a suscité la surprise l’an dernier avec Une bouche sans personne (chronique à venir), gros succès de librairie, plébiscité par les libraires suivis de lecteurs ravis de leur trouvaille. Dans ce deuxième roman, l’auteur joue encore davantage avec la poésie et une fantaisie métaphorique très fine qui tient finalement davantage du surréalisme. Un univers décalé et pourtant profondément ancré dans le réel permettant de soulever de nombreuses questions et d’honorer le pouvoir de l’imagination et de la musique, un genre de réalisme poétique en somme. Il évoque ainsi le rapport au handicap, le combat quotidien, le regard de l’autre, le poids de la différence, la souffrance et son pendant optimiste. C’est éloquent, émouvant, surprenant. Les personnages sont forts, les sens sont aux aguets, il y a beaucoup de charme, de subtilité. C’est le petit plaisir à déguster, à partager, à offrir, à faire tourner et ainsi de suite.

Boris Vian et Romain Gary sont souvent cités en lien avec l’écriture de Gilles Marchand. Je n’ai pourtant jamais vraiment accroché à leurs romans, il est peut-être temps pour moi de leur redonner une chance.

« Il me disait qu’il m’enviait d’avoir tout le temps de la musique dans la tête mais qu’il aurait préféré choisir  lui-même son instrument et les morceaux qu’il aurait joué. Il avait raison et plus qu’il ne le pensait. Je n’ai jamais écouté un morceau tel qu’il avait été écrit, composé, joué et enregistré. Mon violon accompagnait chaque partition. Classique, pop, rock, folk. Dès les premières mesures, il se mettait en route. Partout et tout le temps mon violon faisait jouer ses cordes. J’allais au cinéma, le générique était accompagné au violon, j’écoutais la radio, les réclames étaient accompagnées au violon, Max me faisait écouter Rubber Soul, le double blanc, Revolver ou n’importe lequel de leurs albums, les Beatles étaient accompagnés au violon. »

Un funambule sur le sable / Gilles Marchand. Aux Forges de Vulcain, Rentrée littéraire 2017 #MRL17

Lu dans le cadre des Matchs de la Rentrée Littéraire en partenariat avec Price Minister et les éditions Aux Forges de Vulcain. Un grand merci à eux pour cette belle lecture.

8 commentaires sur “Un funambule sur le sable – de Gilles Marchand (Aux Forges de Vulcain) #MRL17”

    1. Bonjour zazy, j’avais beaucoup aimé le premier, j’avoue avoir été un peu sceptique au pitch de celui-ci au départ, et du coup vraie révélation. Et il peut voyager vers toi si tu le souhaites 😉

  1. Je ne connaissais pas du tout cet auteur, mais il me semble que ce livre pourrait bien me plaire! J’adore ces univers un peu fantaisistes. Même si je suis complètement larguée en musique… En plus, le parallèle avec Romain Gary renforce mon intérêt (oui oui ça vaut la peine de lui redonner une chance!;-) )

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