Encore un grand moment avec Olivier Bordaçarre, une sacrée belle claque même, frémissante et galvanisante, avec l’histoire de ce couple tout neuf, cette rencontre qui de façon inattendue soulève des secrets qui n’arrivent plus à rester sous le tapis. Avec une grande justesse, l’auteur décrit la rivalité et les jeux de miroirs, en poussant ses personnages dans leurs retranchements, jusqu’à l’implosion si nécessaire.
Sergi est un cœur d’artichaut, c’est un artiste au feeling impromptu, à la folie douce, qui cède à l’impulsion d’une courbe bien dessinée. Mais lorsqu’il croise Rebecca, c’est un revirement de situation qui s’engage, une passion chavirante qui déstabilise, une vision au long terme qui s’ébauche.
La relation nouvelle fait jaser. Julia est méfiante, s’inquiète pour son frère mais elle reste ne retrait, elle ne va pas jouer les psychanalystes avec la famille. Le beau-frère est plus confiant, après tout, elle est un peu spéciale et alors ? Il préfère continuer à discuter peinture, motiver Sergi à préparer sa prochaine expo, ou l’entrainer dans des galeries en quête de découvertes inattendues.
Roxane entre en jeu. Elle est photographe. Depuis un grave accident qui lui a couté le visage, elle s’est mise au vert, à l’écart, loin du regard des autres. Sauf quand elle signe une série d’autoportraits et qu’elle expose. Sergi est littéralement secoué et il veut en savoir plus, mais il va surtout plonger dans un sac de nœuds familial lourd, pesant, violent.
Le précédent roman de l’auteur, Dernier désir, m’avait bluffé comme très rarement. Avec Accidents, il récidive, entamant son récit avec un chapitre glaçant qui m’a séchée sur place dans le tramway. La suite est un peu plus contenue, s’installe insidieusement pour devenir au fil des pages presque aussi obsessionnelle. Le grand talent d’Olivier Bordaçarre, c’est sa capacité à décrire très précisément les sentiments humains, avec une exactitude déstabilisante. Il soupèse chaque situation, sculpte ses personnages, pose les tempéraments avec une justesse rarement observée à ce point. Il creuse encore davantage le thème de la rivalité, du double, en poussant ses personnages dans leurs retranchements, jusqu’à l’implosion si nécessaire.
Encore une sacrée belle claque, frémissante et galvanisante.
Un grand merci aux éditions Phébus et à Babelio pour cette lecture.
Il ne me reste plus qu’à aller découvrir La France tranquille, roman de l’auteur paru en 2011 et tout fraichement remis sur le devant de la scène avec sa parution en poche chez Milady.
« Non sans une pointe d’ironie, Sergi, fils de modestes immigrés andalous que la misère avait arrachés à leur Séville natale à l’aube des années 90 pour les replanter dans une loge de concierge de la place Dupleix (XVe arrondissement de Paris), accusa Paul, l’heureux héritier d’une grande famille tourangelle, de profiter de ses privilèges comme le pire des aristos. Paul rétorqua que la ‘grande famille’, c’était un peu exagéré, et rectifia : il s’agissait plutôt de spécimens de fin de race passablement dégénérés dont la Touraine était farcie ; on n’échappe pas à ses origines. Et, coupant court, comme il connaissait le goût immodéré de son beau-frère pour le café, il proposa un expresso et disparut sans attendre de réponse. »
Accidents /Olivier Bordaçarre. Phébus, 2016
A lire aussi du même auteur sur le blog : Dernier désir et Protégeons les hérissons