Son premier roman Berazachussetts était déjà une sacré bonne surprise et Leandro Avalos Blacha donnait à voir un portrait vitriolé de l’Argentine.
Dans Côté cour, quel plaisir de retrouver la fantaisie cynique qui le caractérise.
Blacha nous emmène cette fois dans un quartier où l’on à l’obligation d’envoyer un quota minimum de sms sous peine d’être exclu du système, et où il est possible d’héberger des détenus chez soi ; du délinquant de tout poil, du simple voleur au tueur en série multi récidiviste. Si certains sont réticents, d’autres y voient un bon moyen de s’enrichir, qu’il s’agisse d’arrondir ses fins de mois, d’éponger quelques dettes, ou juste pour l’appât du gain. Chez les voisins, l’une tombe amoureuse de son détenu, d’autres organisent des combats à la manière des gladiateurs, un médecin s’adonne à des expériences louches, une famille installe la grand-mère dans sa propre cave aux côtés de leur prisonnier. Des fillettes se promènent, cachant leur calvitie sous des foulards colorés, et des vieilles dames jouent aux cartes. Phonemark la toute-puissante rayonne en tout point de vue.
Ainsi se dessine la vie de ce quartier résidentiel, ça vous donne un aperçu de l’art de vivre local…
« Ma grand-mère vivait au coin de la rue. Quand on est arrivés, elle était en train d’apprendre au délinquant à jouer aux cartes. Elle nous a dit de l’attendre une minute, qu’elle finissait la partie et qu’elle s’occuperait de nous. Je l’ai espionnée par la fenêtre. Elle avait collé la petite table pliante contre les barreaux et s’était assise en face. Je voyais les doigts bleus du délinquant flotter dans l’air chaque fois qu’il piochait une carte à travers les barreaux, comme s’ils n’avaient pas de corps.
Ils ont rasé notre maison le troisième jour. Mes parents, ma soeur et mon frère ont beaucoup pleuré. Moi, ça ne me dérangeait pas tant que ça, d’autant que la maison de mamie était plus grande ; du moment qu’on ne la dénonçait pas pour hébergement illicite, je ne voyais pas où était le problème.
Ça me plaisait bien d’avoir un délinquant. A mamie aussi. Elle s’était prise d’affection pour lui et ne tarissait pas d’éloges à son sujet, à croire qu’elle cherchait à nous rendre jaloux. »
Côté cour se compose de 5 histoires, chacune donnant un aperçu de ce qui se passe dans cet étrange quartier. On imagine des caméras positionnées à des endroits stratégiques, des fenêtres entrouvertes par lesquelles jeter un œil, une éventuelle émission de Strip-tease dans une ère pas si futuresque.
Leandro Avalos Blacha a l’art et la manière de jouer avec la noirceur de notre monde. Il pointe les dérives d’un système où la privatisation et la consommation sont reines, et pousse le bouchon toujours plus loin, histoire de voir ce que ça pourrait donner. De l’acidité pur jus servie par une écriture précise et percutante, du grand délire surréaliste et pas mal d’humour. N’allez surtout pas croire que l’on ressort de cette lecture avec le moral dans les chaussettes, au contraire, là est toute la force de Blacha, il anticipe avec excentricité.
Encore une belle claque !
Merci aux éditions Asphalte de nous faire découvrir autant de chouettes auteurs.
A découvrir aussi la bande-son associée au livre.
Livre lu dans le cadre de La Voie des indés, en partenariat avec Libfly.
Côté cour / Leandro Avalos Blacha. Asphalte éditions. 2013. 153 p.
Ça me donne envie ! Surtout qu’on approche bientôt du salon du livre qui invite l’Argentine 🙂
En matière d’Argentine, tu as déjà lu Mapuche, de Caryl Férey ?
Je n’ai pas lu Mapuche de Caryl Férey mais je ne lis pas vraiment de policier, c’est pour ça 😉
Merci Alice de m’avoir fait découvrir ce livre étonnant !
Côté Cour, ce sont des histoires qui rebondissent, d’une porte à l’autre, c’est drôle et féroce.
Quand le mobile devient obligatoire sous peine de perdre son emploi, son logement …
A Phonemark la bien nommée, Big Brother n’est pas loin !