Elégies de Duino, Sonnets à Orphée et autres poèmes – Rainer Maria Rilke

Août s’est mis à l’heure poétique pour l’invitation à la (re)lecture de classiques de Moka et Fanny. L’occasion parfaite pour prendre le temps de plonger dans les mots de Rainer Maria Rilke.

« Et qui, si je criais, m’entendrait donc depuis les ordres des anges ? Et quand bien même l’un d’entre eux soudain me prendrait sur son coeur : son surcroît de présence me ferait mourir. Car le Beau n’est rien d’autre que ce début de l’horrible qu’à peine nous pouvons encore supporter,
Et nous le trouvons beau parce qu’impassible il se refuse à nous détruire ; tout ange est terrifiant.
Et donc je me retiens et ravale l’appel
d’obscurs sanglots. Ah, de qui pouvons-nous donc avoir besoin ? Ni d’anges, ni d’humains,
et les bêtes ingénieuses voient déjà bien
que nous ne sommes pas si confiants que cela sous nos toits dans l’univers expliqué. Peut-être qu’il nous reste quelque arbre sur la pente, où nous pourrions chaque jour le revoir ; il nous reste la route d’hier
et la fidélité mal élevée d’une habitude
qui s’est bien plu chez nous et n’est pas repartie. »
(extrait de La première élégie)

Rilke est grandiose à lire. Mais il demande du temps, et de la disponibilité. Il demande le temps que les pages puissent être relues au fil de la lecture, le temps de les dire à voix haute, le temps de la hauteur.

Avec Elégies de Duino, le poète couche sur le papier ses doutes et ses angoisses. Il interroge l’humanité, l’individualité, médite sur la vie, la mort, qui s’unissent, avec l’amour en toile de fond, qui joue la carte de l’éternité, et allège une condition humaine tourmentante. 

Nous sommes dans une sorte d’introspection philosophique, en quête d’un certain apaisement, où Rilke convoque le néant et l’immensité dans une poésie lyrique.

Rainer Maria Rilke mettra un peu plus de dix ans à écrire ces élégies, entamées après une rencontre avec la princesse Marie von Thurn und Taxis-Hohenlohe, qui deviendra son amie et mécène, et l’hébergera à plusieurs reprises au sein du bien nommé Château de Duino, situé près de Trieste.

En 1922, alors qu’il traverse une période de panne créatrice, le décès d’une amie de sa fille lui inspire les Sonnets à Orphée. 55 sonnets rédigés en trois semaines (en même temps qu’il achève les Elégies de Duino) dans lesquels on retrouve sa contemplation du monde et sa langueur mélancolique.

« Nous sommes les sans trêve.
Mais la marche du temps,
tenez-la pour babiole
dans le stable à jamais.

Tout ce qui n’a que hâte
n’aura fait que passer ;
ce n’est que séjourner
qui seul nous initie.

Ne vous lancez pas intrépides,
ô jeunes gens, dans la vitesse,
dans la tentative aérienne.

Tout est repos :
ombre et clarté,
et fleur et livre. »
(Sonnets à Orphée 22)

C’est métaphorique, mythique et mystique, on s’y perd parfois, et l’on s’interroge aussi parfois de la déperdition liée à la traduction (mais à défaut de lire l’allemand, nous devrons nous en contenter). A vrai dire, je me surprend moi-même à aimer cette littérature, ne serait-ce que par le côté mystique justement. Et pourtant, j’y trouve étonnement une certaine forme d’apaisement, nichée à la jonction entre l’attention minutieuse attendue et le lâcher-prise. 

Elégies de Duino
Sonnets à Orphée
et autres poèmes
Rainer Maria Rilke
traduction de Jean-Pierre Lefebvre et Maurice Regnault
Edition bilingue
Gallimard (Poésie)
312 pages

D’autres textes de l’auteur sont disponibles en format numérique libre par ici

Retrouvez les autres rdv poétiques par ici.
Prochain rdv fin septembre avec des textes antiques…
Si vous souhaitez en savoir plus, voire même rejoindre (régulièrement ou ponctuellement) l’équipée, c’est par là.

 

4 commentaires sur “Elégies de Duino, Sonnets à Orphée et autres poèmes – Rainer Maria Rilke”

  1. J’aime toujours tes chroniques classiques (pas que entendons-nous…) car à chaque fois je me dis: ah mais évidemment, cet auteur ou ce titre aurait pu faire partie de ma sélection.
    Bref, tu me donnes envie de relire Rilke.
    Malgré les difficultés respectives que nous avons eues pour ces chroniques poétiques, je vois que nous avançons sûrement dans ces rendez-vous mensuels.
    Septembre sera antique !

    1. Oh, le plaisir est mille fois partagé. Et je suis ravie que tu trouves quelques tentations par ici 🙂
      Septembre sera antique oui, période avec laquelle j’ai toujours eu énormément de mal alors je me suis fait un peu violence, et contre toute attente, j’ai deux textes sous le coude qui me font grave baver, comme quoi tout arrive ! 😉

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.