Comment grandir dans l’ombre des disparus trop tôt, comment s’extraire de l’histoire familiale, ou comment accepter que le corps se mette en pause, le temps que la tête retrouve la force de le faire avancer. Sarah Chiche, psychologue clinicienne et psychanalyste, interroge les silences et les trop-dits.
Sarah Chiche revient sur le décès de son père alors qu’elle n’avait que quinze mois et donc pas de souvenirs, sur sa construction dans l’ombre planante du défunt, puis le décès de sa grand-mère, plus tard, à l’âge adulte, événement qui va agir comme un boomerang reçu en pleine face, faisant rejaillir les recoins d’une histoire familiale mise sous cloche. Et ce dans vacillement, Sarah Chiche se voit mourir elle-même, et se met en « off » d’ailleurs durant près de deux ans, jusqu’au déclic inattendu, qui la fera éclore de nouveau, et la mènera vers l’écriture et les métiers du soin de la santé mentale qu’elle exerce à présent.
« Nous vivions entourés de fantômes. Nous les hantions avec violence. J’avais, petite fille, assisté, derrière les grilles closes du château de mes grands-parents, à toutes sortes de disputes entre Eve, ma mère, et mon oncle, Armand, qu’ils avaient sans doute tenté de réprimer tant que mon père et son propre père vivaient encore, mais qui, depuis leur disparition à tous deux, avaient enflé, et enflé encore, pour des raisons dont nul ne disait jamais rien, jusqu’à éclater, chaque fois que nous nous retrouvions tous ensemble, en un désespoir si outrancier qu’il paraissait une bouffonnerie. »
L’arbre généalogique de l’autrice se dessine au fil des souvenirs et des événements, avec en filigrane l’indépendance algérienne et le racisme ambiant. Le puzzle n’est pas toujours simple à suivre, c’est assez nombriliste et ça reste douloureux. L’autofiction a tendance à me gonfler, j’ai du mal à trouver ma place dans cette intimité, donc sans surprise, j’ai trouvé des longueurs et un peu d’ennui. Mais j’ai aimé l’approche de l’autrice pour décrire le trouble, que l’on croit avoir identifié et qui explose cependant, le vide qui guette et le gouffre qui s’ouvre parfois, le temps qu’il faut savoir prendre parfois, pour repartir un peu plus simplement.
« Je suis morte. J’en suis revenue. J’ai pu vieillir.
Je suis devenue à mon tour quelqu’un qui soigne. Passer l’essentiel de ses journées à l’écoute de la couleur secrète du monde et du plus obscur de la détresse humaine est peut-être un choix curieux. Mais une solitude qui se sent comprise devient, parfois, enfin supportable. »
Saturne
Sarah Chiche
Seuil
Rentrée littéraire 2020
204 pages
Je n ai toujours pas découvert Sarah Chiche.. Je pense me pencher sur Les Enténébrés.
J’avais aimé Les Enténébrés – malgré quelques longueurs également. J’attendrai la sortie poche pour ce titre.