Hérésies glorieuses – Lisa McInerney (La Table Ronde)

Un roman réaliste, corrosif, impitoyable, revigorant, un bijou de noirceur à découvrir !

On se pose un moment à Cork, Irlande, où l’on croise le magouilleur Jimmy Phelan qui vient de rapatrier sa mère au pays après un exil anglais forcé, et où l’on suit leurs retrouvailles dérapantes, surtout quand la Maureen en question dézingue par erreur un type, déclenchant un sacré foutoir dans les affaires du fiston et de tout un tas de gens dont Tony et Ryan Cusack qui vont voir leurs trajectoires vriller, même si le tableau n’était déjà pas joli joli. 

« Maureen couva son secret comme un oiseau de proie tapi sur son oeuf. Elle le garde d’abord jalousement puis, sitôt le crime consigné aux archives par un Jimmy soulagé, l’air autour d’elle s’épaissit de sa jubilation et Jimmy le regarda bouillonner des grands soupirs, reniflement et exclamations contenues de Maureen jusqu’au moment où elle décida qu’il était temps de lui révéler ce qu’elle avait appris ; rien de bon. »

Excellent roman noir, social, humain, dans lequel Lisa McInerney brosse avec panache les paumés, les bancals, les marges vacillantes, avec une galerie de loosers magnifiques aux petits oignons. 

Avec Hérésies glorieuses, l’autrice entame une trilogie dans laquelle nous suivons en particulier le jeune Ryan qui a une quinzaine d’années au départ, dealer en devenir aux côtés duquel nous nous frottons à son père, homme de main à la petite semaine, rencontrons sa petite amie Karine qui laisse ses origines bourgeoises au placard, Tara Duane, voisine commère à ses risques et périls, Georgie, prostituée camée romantique, entre autres figures épiques, désespérées ou avides. A travers elles, Lisa McInerney brosse les marges et les bas-fonds, avec en toile de fond les relations humaines, l’éducation, la maternité, la violence.

« Frank Cotter : surnommé le général Franko. Avec son casque de boucles noires et sa peau boucanée, il avait l’air d’un gardien de phare, ou d’un berger, de quelqu’un qui passait ses journées face aux éléments plutôt que dans les arrière-salles de casinos aux stores baissés, à écraser des doigts et défoncer des crânes. »

C’est à la fois noir, tragique et magnifique, et cerise sur le gâteau, c’est particulièrement bien amené, avec des phrases courtes percutantes, des changements de rythme, des moments d’introversion, des points de vue qui s’alternent, et un certain sens de l’humour. 

« Ils habitèrent un temps chez son père et sa mère, et quand ils eurent la maison ils se marièrent, et dès qu’ils furent mariés ils s’employèrent à s’entre-égorger pour de bon, quant aux dommages collatéraux – ah putain, les dommages collatéraux -, ils s’entassaient de plus en plus haut, mais le jeu en valait jusqu’à la dernière châtaigne. »

 
Un premier roman noir qui fait sacrément plaisir à lire, tragique mais non dénué d’humour, aux visages à baffer autant qu’attachants, où l’on pense à la fois à John Fante, Robert McLiam Wilson, Irvine Welsh, John King ou Earl Thompson, entre autres pointures du noir et de la chronique sociale, rien de moins, c’est dire s’il faut se jeter dessus !

Hérésies glorieuses
Lisa McInerney
traduit par Catherine Richard-Mas
Editions Joëlle Losfeld
Paru en poche chez La Table Ronde
2020
536 pages

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