Le Silence de la mer / Vercors

Le retour aux classiques toujours vaillamment porté par Moka et Fanny achève ce mois-ci sa quatrième saison avec les classiques engagés. Ce recueil de récits de Vercors ne pouvait pas mieux tomber.

Alors qu’il signait encore Jean Bruller, Vercors donnait déjà le ton, avec notamment l’album Vingt et une recettes pratiques de mort violente paru en 1926. Mais le virage se raidit à son entrée dans la résistance, lorsqu’il envisage la littérature comme acte de résistance et arme de combat et revêt ses textes de son nom de guerre.

« Le silence se prolongeait. Il devenait de plus en plus épais, comme le brouillard du matin. Epais et immobile. L’immobilité de ma nièce, la mienne aussi sans doute, alourdissaient ce silence, le rendaient de plomb. L’officier lui-même, désorienté, restait immobile, jusqu’à ce qu’enfin je visse naître un sourire sur ses lèvres. Son sourire était grave et sans nulle trace d’ironie. »

Le Silence de la mer sera le premier texte publié par les clandestines Editions de Minuit que Vercors fondera avec Pierre de Lescure en 1942. Le récit prend place dans la France occupée par l’armée allemande et relate la cohabitation contrainte entre un officier allemand et la famille tenue de le loger, qui choisit de résister par le silence, ne cédant jamais à ses invitations à la conversation. Le texte est très sobre, comme contenu, où les silences feutrent les pensées, les désirs, l’ambiguïté, le tragique qui se tisse.

« Je suis heureux d’avoir trouvé ici un vieil homme digne. Et une demoiselle silencieuse. Il faudra vaincre ce silence. Il faudra vaincre le silence de la France. Cela me plaît.
Il regardait ma nièce, le pur profil têtu et fermé, en silence et avec une insistance grave, où flottaient encore pourtant les restes d’un sourire. Ma nièce le sentait. Je la voyais légèrement rougir, un pli peu à peu s’inscrire entre ses sourcils. Ses doigts tiraient un peu trop vivement, trop sèchement sur l’aiguille, au risque de rompre le fil. »

Un récit glaçant et bouleversant, accompagné d’autres textes qui le sont tout autant, notamment le terrible Ce jour-là, lourd de silences également, entre un père et son jeune fils, dans le contexte tragique des arrestations, Le songe qui dénonce les horreurs de la seconde guerre mondiale et en particulier les camps de concentration, L’Imprimerie de Verdun qui ouvre une fenêtre sur l’atmosphère régnant en plein régime de Vichy, ou encore La marche à l’étoile, récit dans lequel Vercors reprend l’histoire de son père. Un recueil qui laisse sans voix à de multiples reprises, un grand bouleversement.

Le Silence de la mer
et autres récits
Vercors
Livre de poche
190 pages
Parution initiale 1942

Si vous souhaitez en savoir plus, voire même rejoindre (régulièrement ou ponctuellement) l’équipée, c’est par là !

7 commentaires sur “Le Silence de la mer / Vercors”

  1. Un recueil majeur, et la naissance des éditions de Minuit (clandestines), c’est dire l’aspect patrimonial crucial de ce « Silence de la mer » !

  2. J’ai lu ce texte au lycée et je me rappelle m’être ennuyé à mourir ! Il faudrait évidemment que je le relise aujourd’hui pour profiter pleinement de sa richesse !

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