Les éditions Gallmeister rééditent cette dystopie visionnaire et pleine de symboles, d’un auteur américain peu connu en France et pourtant à l’origine de plusieurs mythes de la pop-culture.
Quelqu’un d’extrêmement bienveillant m’a donné à lire ce livre, L’oiseau moqueur de Walter Tevis, qui m’a vraiment enthousiasmé. A tel point que je viens en faire la chronique sur Ça sent le book.
Walter Tevis est un auteur dit de science-fiction, qui a aussi écrit des romans noirs. Il s’est d’ailleurs fait connaître en signant le livre qui a donné le film L’arnaqueur avec Paul Newman, classique du cinéma des 60’s. Quelques années plus tard après avoir dû affronter les affres de l’addiction, Tevis revint et publia deux romans L’oiseau moqueur, dont nous allons parler, et Le jeu de la dame, qui a servi de support à la série du même nom, dont le succès planétaire est venu illuminer nos soirées d’hiver confinés. Malheureusement Tevis ne survécu pas très longtemps à sa période d’alcoolisme, et mourut prématurément au début des années 80.
Mais qu’en est-il de cet Oiseau moqueur ?
Il s’agit d’un roman de science-fiction bien ficelé comme on en faisait beaucoup dans les années 70, le décor est celui d’une société futuriste dans laquelle les humains sont suppléés par des robots, et sont devenus amorphes. Toute réflexion et activité intellectuelle ont disparu, le conflit et la vie sociale n’existent pas, les gens se droguent en permanence pour affronter la vacuité de leurs existences. Les valeurs d’introversion, d’individualisme, et de consommation sont célébrées. La lecture n’existe plus, seuls quelques illuminés la pratiquent, et elle est même devenue interdite.
Dans ce contexte un humain, Bentley se voit confier la mission d’étudier de vieux objets sur bandes, qui sont des films muets. Il arrive ainsi à s’éduquer à la lecture et découvre un mode de vie complètement différent de celui qu’il pratique naturellement.
Lors de l’une de ses errances au zoo, il va rencontrer une certaine Marylou, elle aussi différente. Ce sera pour eux le début d’un amour et d’une aventure qui les fera questionner leur humanité et renouer avec elle.
Je ne suis pas un lecteur assidu de science-fiction, mais celle-ci m’a semblé profondément intéressante parce qu’on est plus dans la fiction que dans la science. L’intrigue s’articule autour de trois personnages précisément, Bentley et Marylou, les deux humains et Spofforth un robot ultra perfectionné et quasi omniscient. Ce triangle sert de base au schéma narratif : Spofforth servira à poser le contexte, Bentley raconte son cheminement sous forme de journal et Marylou livre ses impressions et injecte de l’émotion dans le récit.
La grande question que pose Walter Tevis est : « Qu’est-ce qu’être un être Humain ? »
Cela peut paraître simpliste, mais la réponse apportée par l’auteur ne l’est pas, et il sonde cette problématique à sa racine en convoquant des symboles fondamentaux.
Certains trouveront peut-être le résultat réactionnaire, alors une recontextualisation de l’ouvrage sera nécessaire : c’est un livre qui naît au moment du triomphe de l’idéologie des Chicago boys.
Malgré cet arrière-plan philosophique, c’est un roman très accessible et dont la lecture est agréable. Un vrai page-turner comme savent en produire les américains. La galerie de personnages est riche, variée et bien construite, la variation des points de vue rendant la lecture plus addictive.
En revanche il faut s’embarquer dans l’intrigue sans trop chercher à démêler l’écheveau de la vraisemblance. Parce qu’imaginer une société dans laquelle la lecture aurait vraiment disparu est absolument vertigineux.
Vous trouverez ce texte dans une très jolie et agréable édition de poche dans la collection Totem, et dans sa traduction originale. (Disponible également Le jeu de la dame)
L’oiseau moqueur
Walter Tevis
Gallmeister (Totem)
333 Pages
Acheté il y a peu. Je le lirai je pense pendant les vacances !
Très très tentée !