Romain revient au bercail après dix ans d’absence. Il a déserté le coin paumé de la Nièvre après le décès de ses parents, besoin de changer d’air, de voir plus loin, de s’extirper d’une vie presque tracée. Les années ont passé mais les visages sont toujours là. Son frangin Christophe, et puis Julie et Vlad. Le gang comme ils disaient. La bande n’est plus, les cartes ont été rebattues, d’autres figures se sont imposées, l’adolescence a laissé place à des vies d’adulte plus ou moins construites, et certaines mauvaises habitudes ont méchamment pris racine.
« Le village était resté immobile face au temps mais le constat s’imposa, les vieux étaient devenus très vieux et certaines maisons resteraient fermées même s’il allait sonner aux portes. »
Benoît Minville signe un premier roman très engageant pour la suite à venir. Certaines scènes sont certes un peu grossières, et la naïveté côtoie la violence de façon parfois un peu plate. En même temps c’est très réaliste, j’ai eu l’impression de retourner dans certains villages du Loir-et-Cher où des amis habitaient lorsque j’étais au collège. Et j’imagine tout à fait que la même tournure ait pu les cueillir. Mais peut-être m’attendais-je à plus noir, plus polar, plus crasseux.
« Occuper et dominer l’ennui, rire de tout, poing fermés l’un contre l’autre. Pour toi, mon frère. On l’a, ce secret qui nous lie pour toujours. Et notre amitié ensevelit le reste. On est les rois du monde. »
Car si Rural noir aborde les problèmes de chômage, de drogue, l’argent facile et les réseaux qui dépassent largement le petit caïd des campagnes, c’est finalement un roman très axé sur le sentiment, la culpabilité, avec de nombreux sujets soulevés, le poids du passé, la place des origines, les choix de vie, les perspectives qui évoluent différemment, l’amitié, le sens de la famille, et plus largement encore, les mutations du monde agricole. Nous tenons en fait un genre de roman d’apprentissage, non pas lié à l’adolescence mais à la trentaine. Et c’est fort bien amené. Un roman à se mettre sous la dent pour le week-end, et un auteur à suivre donc.
Rural noir / Benoît Minville. Gallimard (Série noire), 2016
Lu à sa sortie, j’ai aimé ce côté « vrai » et trouvé qu’il sonne juste !
Moi aussi mais j’ai trouvé que certaines scènes auraient pu être un peu plus fouillées mais je chipote hein 😉