Sale temps pour les braves – Don Carpenter (Cambourakis)

Premier roman de l’auteur qui s’ouvre sur un début de vie, de ceux qui endurcissent et qui rendent revanchard. Jack est un jeune type qui tâtonne. Il sent bien que ses poings ne feront pas toujours l’affaire, en attendant il ne se laisse pas marcher sur les pieds. Flegmatique, il se laisse conduire par ses envies, flairant assez peu les mauvais plans, et se retrouve là où il ne valait mieux pas, et direction prison, le trou, puis retour en ville et retour à la case prison. Pas si longtemps mais de quoi le voir grandir, changer son regard, méditer ses envies.

Au fil des rencontres qui endurcissent ou adoucissent, des ans qui passent, avec espoir ou sans scrupules, Jack va se tâter, s’affirmer et voir son regard s’affiner.

« Jack acquiesça et but une gorgée de bière. Il ne précisa pas qu’il avait également été bûcheron, qu’il avait travaillé dans une conserverie et une usine de meuble, braqué des stations-service, arnaqué des poivrots et vécu dans une cinquantaine de chambres à la décoration des plus spartiates en prétendant que le vide lui donnait sa liberté, se réveillait presque tous les jours effrayé  à l’idée que le temps soit comme un vent sec qui emporterait sa jeunesse et sa force, et faisait autant de cauchemars qu’il y avait de nuits pour rêver. »

Don Carpenter a un vrai don de raconteur d’histoires, de ceux dont on reste pendu aux lèvres ou aux mots. Dans ce premier roman, il place ce qui lui tiendra à coeur dans l’ensemble de ses romans, anti-héros cabossés et lumineux, où violence et mélancolie se tiennent le bras, comme faces indicibles d’une route vers la liberté. En situant son récit dans les années 50-60, il brosse les résidus de la crise de 29 et de la Grande Dépression, le racisme ambiant. On suit ainsi Jack Lewitt et Billy Lancing, avec avidité et émotion, emporté par leur fougue, leur solitude, leurs balbutiements, leur puissance, dans une société hostile écrasante.

Du style, de l’apreté, de l’insoumission dans ce grand roman enfin découvert.

Sale temps pour les braves
Don Carpenter
Cambourakis
2011
Paru également en poche chez 10-18
426 pages
paru initialement en 1964

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