Des grands-pères qui passent l’arme à gauche, sans lien apparent, mise à part cette piqûre. L’affaire n’en est pas une, et si c’était le cas, Adamsberg serait le dernier concerné. Sauf qu’il a mis le nez dessus et quand ça le taraude, on sait bien ce qu’il se passe. On retrouve le commissaire et sa clique, Danglart, Rétancourt et consort, avec toujours autant de plaisir. Fred Vargas a allumé la mèche et il y a de la tension dans l’air, des noms d’oiseaux volent, la recluse se planque et des tiroirs s’ouvrent progressivement.
« Adamsberg déambula un moment dans la salle de travail, bras croisés. Entre-temps, Voisenet était revenu à son poste, réalisant en entrant que la pièce, en effet, sentait fortement le vieux port. Toutes fenêtres ouvertes, un violent courant d’air passait sur les bureaux et chacun s’était débrouillé pour caler ses dossiers, qui avec des porte-crayons, qui avec ses chaussures, qui avec des boîtes de conserve dérobées dans l’armoire aux réserves de lieutenant Froissy, pâtés de sanglier, mousses de canard au poivre vert. Ce nouvel aménagement hétéroclite des tables donnait à l’ensemble une allure de vide-grenier ou de vente de charité, et Adamsberg espérait que le divisionnaire n’aurait pas l’idée subite de venir rechercher lui-même sa berline, et découvrir la moitié de la Brigade déchaussée dans une salle puante. »
Alors ça se lit très bien, nous sommes dans du Vargas pur jus, peut-être un peu trop. C’est parfois très délayé, engendrant quelques longueurs. Ça passe bien car nous avons les tempéraments des personnages que l’on connaît bien maintenant, la partie historique qui tout en restant légère permet d’apprendre deux trois choses notamment sur un sujet que je croise depuis trois romans et que j’ai bien envie de creuser (je reste mystérieuse mais ça évite de spoiler une partie de l’intrigue).
Mais voilà, c’est un peu longuet, avec un dénouement que j’ai reniflé à la moitié du bouquin, sans que ce soit gênant encore une fois car l’esprit est là, et les motifs étaient encore à apprendre. J’avais beaucoup aimé le précédent roman, retrouvant l’étincelle des débuts, et là, c’est un peu surjoué, comme si Vargas faisait du Vargas. Sans doute trop de bulles gazeuses à mon goût.
Et vous, l’avez-vous lu ? Qu’en avez-vous pensé ?
Quand sort la recluse / Fred Vargas. Flammarion, 2017
Bonjour Alice et merci pour ce blog, que je viens de découvrir avec plaisir ! Merci aussi pour cette critique de l’avant-dernier Vargas, maintenant. Je rebondis donc sur votre dernière question. Je précise avant que je suis une fan (que je croyais) inconditionnelle de cette auteure, une des seules qui me plongent dans les délices de la lecture en une seule phrase. En plus des rompols bien sûr (et on parle souvent d’Adamsberg car ces romans sont plus nombreux que ceux consacrés aux « Évangélistes », mais ces derniers sont des délices aussi !) je fais également référence à ses essais : Petit traité de toutes vérités sur l’existence et Critique de l’anxiété pure (Librio) qui sont des bijoux d’intelligence et de drôlerie, mes « livres de sac à main » ! Quand sort la recluse est, je l’avoue, un de mes préférés, avec Debout les morts et Sous les vents de Neptune (mais aussi Sans feu ni lieu, et… bon, j’arrête, sinon ce n’est plus une liste de « préférés » ; ) ). Pourtant, quand je lis votre article, je comprends ce que vous écrivez, même si ce n’est pas ce que j’ai ressenti. Et cela me fait surtout penser au dernier, Sur la dalle, que nous avons tant attendu (6 ans ! interminable !). Quand sort la recluse, qui en a vécu d’autres, préfigurait-il ce dernier opus ? Je suis encore sous le choc de cette lecture qui m’a surtout beaucoup inquiétée : est-ce vraiment Fred Vargas qui l’a écrit ? Un « nègre » ? L’I.A. ? J’en suis devenue paranoïaque… Il y a tous les « ingrédients » mais pas le « feu », l' »âme » de cette auteure que je chéris pourtant. Si c’est bien elle qui a écrit Sur la dalle, je fais l’hypothèse qu’elle ne va pas bien, d’où mon inquiétude. Ceci dit, je l’explique en partie par le fait qu’elle est, comme nous devrions toutes et tous l’être, extrêmement préoccupée par la situation environnementale (L’Humanité en péril I et II). J’ai écrit un premier et modeste roman policier, et je me rends compte que je l’ai beaucoup détaché des sujets angoissants de cet ordre, comme j’ai tendance à écouter de moins en moins les infos… Politique de l’autruche, je ne suis pas fière, je me protège, étant une éponge empathique. J’ai tendance à préférer la fiction à la réalité (romans et films, que je dévore), d’où mon intérêt pour ce blog que je vais de ce pas enregistrer dans mes favoris. Belle journée !