Tibi la blanche – Hadrien Bels (L’Iconoclaste)

Après un premier roman, Cinq dans tes yeux, qui nous plongeait le quartier du Panier à Marseille (chronique à venir bientôt), Hadrien Bels se tourne vers sa deuxième ville de coeur, Dakar, dans laquelle il nous fait plonger avec énergie, humour et émois.

Thiaroye, dans la banlieue de Dakar. Trois jeunes dakarois sont à deux doigts de connaître les résultats du bac. Une poignée de jours durant lesquels leurs plans de vie se dessinent, se bousculent, s’interpellent. Quelle prise auront-ils avec leur temps, leurs envies, les attentes familiales, leurs possibilités ?

« Pour Tibilé, la lecture a toujours été un combat. On lit, on lutte, on fait reculer les lignes ennemies. Elle se sent plus proche des chiffres, au moins eux n’essaient pas de te manipuler. Les mots sont des traîtres. Ils créent désordres et polémiques. »

L’un s’imagine faire carrière dans la mode, en attendant il coud des boubous en wax pour des mariages. L’autre est l’intello de service, et s’il peut envisager une grande carrière à l’international il porte un regard critique sur le monde et imagine une vie plus modeste à l’échelle de sa ville. Et puis Tibilé, Tibi la blanche, toujours dans ses pensées d' »ailleurs », qui se voit rejoindre la France après le bac, en quête d’autres possibles. Un carrefour de leurs vies à la fois intense et en suspend, entre désirs, attentes et poids des traditions.

« Le Range Rover de Monsieur Coly sent le neuf d’importation. Une fragance de cuir, d’essence et de beaucoup d’argent. Au péage, Neurone regarde le soleil se lever sur le quartier de Pikine. Un oeuf poché prêt à faire couler son jaune sur Dakar. D’ici, la banlieue regarde le centre-ville avec la fierté du pauvre qui enfante artistes célèbres, grands footballeurs et lutteurs. »

L’écriture est vibrante, très sensitive, musicale. Hadrien Bels imprègne son récit d’une énergie communicative, avec un sens de la formule qui fait claquer la langue, l’oralité n’est pas loin, le cinéma non plus. On visualise les scènes, les saveurs, les sons.

« Le lycée Abdoulaye-Sadji de Rufisque a la peau qui pèle. La peinture du bâtiment s’écaille comme celle d’un vieux colon qui n’a pas mis de crème solaire. Durant la journée, les voix des professeurs s’échappent par les murs craquelés, et les salles sont bien aérées, grâce aux vitres cassées. Ce bâtiment, classé au Patrimoine mondial de l’humanité, attend sa douce mort avec le sourire. »

Le Sénégal dans son jus, avec ceux le font, ceux qui en partent et ceux qui reviennent, avec en toile de fond ce qu’il en est du pays 60 ans après l’indépendance, et son incarnation par trois figures adolescentes balbutiantes et lumineuses, qui symbolisent à la fois son héritage et son avenir.

Une très chouette parenthèse de lecture avec un final dansant très bien senti. Autrement dit, foncez !

 

Tibi la blanche
Hadrien Bels
L’Iconoclaste
Rentrée littéraire 2022
245 pages

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