Un coeur simple – Gustave Flaubert

Un siècle à l’honneur, celui qu’on veut, pour clôturer cette deuxième saison des Classiques c’est fantastique aux côtés de Moka, Fanny et d’une chouette team de motivé.e.s.

Beaucoup d’hésitations pour ma part, sauf la certitude de vouloir lorgner du côté du dix-neuvième siècle, mais aussi trop peu de temps à accorder à une lecture conséquente, ce qui m’a finalement menée sur la route de Flaubert, permettant du même coup de lui redonner sa chance. Je gardais de l’auteur un souvenir assez pénible et ennuyeux, avec mauvaise foi je dois bien dire puisque je ne l’avais que peu approché et qui plus est il y a bien longtemps, mais ce rendez-vous étant ce qu’il est, à savoir une inépuisable source de remises en question et de (re)découvertes, je ne pouvais que retenter l’expérience, et grand bien m’en a pris !

Plongeons donc dans le dix-neuvième siècle encore neuf, aux côtés de la jeune Félicité, fille de ferme tout juste entrée au service de Madame Aubain à Pont-l’Evêque en Normandie. Avant cela, Félicité aurait pu épouser Théodore, si celui-ci n’avait pas finalement choisi une riche veuve pour sauver ses fesses de la conscription. Les plans changés, elle propose son assistance à la veuve Aubain, auprès de qui elle restera jusqu’au bout, voire même un peu plus.

« Pendant un demi-siècle, les bourgeoises de Pont-l’Evêque envièrent à Mme Aubain sa servante Félicité.
Pour cent francs par an, elle faisait la cuisine et le ménage, cousait, lavait, repassait, savait brider un cheval, engraisser les volailles, battre le beurre, et reste fidèle à sa maîtresse,  – qui cependant n’était pas une personne agréable. »

Une vie faite de dévouement, à sa maîtresse, aux enfants de celle-ci, à son neveu, à son perroquet, et de dévotion après une éducation religieuse tardive et prépondérante. Félicité, un coeur simple, pas aventureuse pour un sou, très candide, vivant à travers les autres et faisant de son mieux pour les servir, sans regrets et si peu d’envies. Flaubert s’attache à dresser le portrait de cette femme de l’ombre qui agit en transparence. Avec une attention particulière, il consigne. On a certes un peu envie de la secouer de temps à autre, mais on souligne et salut aussi et surtout sa force et son abnégation sans faille.

« Les jours de soleil, elle se tourmentait de la soif ; quand il faisait de l’orage, craignait pour lui la foudre. En écoutant le vent qui grondait dans la cheminée et emportait les ardoises, elle le voyait battu par cette même tempête, au sommet d’un mât fracassé, tout le corps en arrière, sous une nappe d’écume ; ou bien, – souvenirs de la géographie en estampes, – il était mangé par des sauvages, pris dans un bois par des singes, se mourait le long d’une plage déserte. Et jamais elle ne parlait de ses inquiétudes. »

Un texte court et fort où l’on plonge dans une époque, un contexte, des lieux, dans la veine réaliste, et où l’on côtoient aussi les semblables de l’auteur et son cadre de vie. En effet, lorsqu’il se lance dans l’écriture de ce texte en 1876, Flaubert fouille ses souvenirs d’enfance et greffe ainsi de nombreuses références autobiographiques. Félicité fait écho à Mademoiselle Julie, servante de ses parents qui restera à ses côtés pendant plus de cinquante ans, la jeune Virginie à sa propre soeur Caroline. Un coeur simple sera publié sous forme de feuilleton en sept épisodes puis aux côtés de deux autres textes, Saint Julien et Hérodias dans Trois contes.

Contre toute attente, me voilà donc réconciliée avec Flaubert. Madame Bovary, j’arrive !

Un coeur simple
Gustave Flaubert
69 pages
1877
dispo sous divers formats poche et librement en ebook

Retrouvez les autres titres ici ou .
Prochain rdv fin mai pour un Tour d’Europe
Si vous souhaitez en savoir plus, voire même rejoindre (régulièrement ou ponctuellement) l’équipée, c’est par là, la 3eme saison s’annonce !

 

7 commentaires sur “Un coeur simple – Gustave Flaubert”

  1. Quel personnage que Félicité ! Comme toi, le XIXe était une évidence ! J’ai juste eu plus de temps pour picorer un peu. En revanche, je n’ai jamais sauté le pas avec Saint Julien et Hérodias.
    Mais ce qui me ravit le plus c’est de lire que tu te sens prête pour rencontrer Emma Bovary.

  2. Ce rendez-vous est plein de surprises et comme tu dis, on pense ne pas aimer un auteur ou une autrice et finalement, le miracle se produit!
    Joie de lire que tu compte découvrir Emma! (Parfait pour le thème « Titre-Prénom »!)

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