Paz – Caryl Férey (Gallimard)

Ambiance guérilla colombienne, jeux de dupes et duel fratricide dans ce nouveau roman de Caryl Férey, particulièrement noir, saisissant, en bref, réussi.

Direction la Colombie cette fois avec des corps décapités parsemés ici et là. Ça pose les choses. C’est inquiétant, louche, et surtout ça sent franchement mauvais pour Lautaro Bagader, chef de la police de Bogotá, qui appréhende des réminiscences de la Violencia, guerre civile colombienne qui a provoqué la mort de 250.000 colombiens sinon plus dans les années 40-60. Diana Duzan aussi sent son flair de journaliste la démanger et ne compte pas laisser passer sous silence ce que d’autres tentent de glisser sous le tapis. Le morceau va s’avérer épineux et explosif, mêlant politiques véreux, narcotrafiquants et un ancien combattant des FARC, sans compter la tragédie familiale musclée à deux doigts d’atteindre son point d’orgue.

« Ex-acteurs du conflit recyclés dans le privé, groupes armés d’extrême gauche ou droite toujours en exercice, délinquants manipulés, narcos, capos mafieux et sicarios, tout ce que la Colombie comptait de criminels était susceptible d’avoir planifié pareille boucherie. Jusqu’à présent rien n’expliquait ces meurtres sauvages, mais la coupe du « vase à fleurs » était un marqueur, tout comme l’exposition publique du corps, relents des massacres qui avaient précipité le pays dans la guerre civile : la Violencia. »

Caryl Férey ne faiblit décidément pas avec un polar social qui donne à voir la Colombie dans son jus, dans son humanité et sa violence. Après l’Argentine et le Chili, il poursuit son ascension de l’Histoire noire de l’Amérique du sud, qu’il décrit encore une fois avec verve et passion.

Alors clairement, c’est pas tendre, il y a de la testostérone et de la gâchette facile (et de l’amouuur – un peu – quand même), mais ça reste sans nul doute plus soft que la réalité, et l’auteur semble même avoir pris sur lui pour ne pas trop plomber l’ambiance (et la digestion) et ainsi servir au mieux l’histoire complexe de ce pays. C’est très documenté, passionnant, bien ficelé et impossible à lâcher dès qu’on l’a ouvert, dans la veine de Mapuche et Zulu.

« Lautaro n’avait pas pour projet de soigner ses névroses : il réglait ses comptes, c’était sa résilience. »

Paz
Caryl Férey
Gallimard (Série noire)
Rentrée littéraire 2019
535 pages
lu dans le cadre de l’opération Masse critique avec Babelio

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