Les petites vertus – Natalia Ginzburg (Ypsilon)

Les littératures méditerranéennes sont à l’honneur ce mois-ci pour le retour aux classiques impulsé chaque par Moka et Fanny. L’Italie toujours sous le feu des projecteurs ici avec ce recueil de récits autobiographiques de Natalia Ginzburg qui a notamment travaillé avec Italo Calvino, qui a pris ses quartiers sur Ça sent le book en début de semaine. 

Natalia Ginzburg  est née en 1916 et morte en 1991. Autrice de romans, de pièces de théâtre, d’essais, traductrice de Maupassant, Flaubert et Proust, éditrice, elle a généreusement parcouru les sphères littéraires italiennes, obtenu de nombreux prix littéraires, a côtoyé Italo Calvino et Cesare Pavese, et reste pourtant aujourd’hui encore injustement méconnue.

Les petites vertus regroupe onze textes écrits entre 1944 et 1960 dont un qui donne son titre au recueil, dans lesquels l’autrice évoque les années de guerre, la mort de son époux tué par les fascistes, son rapport à l’Angleterre, les relations humaines, la politique, le métier d’écrivain, la vie conjugale, elle fait le portrait de Cesare Pavese ou donne son point de vue sur l’éducation des enfants.

« En ce qui concerne l’éducation des enfants, je pense qu’on doit leur enseigner non pas les petites vertus, mais les grandes. Non pas l’épargne, mais la générosité et l’indifférence à l’argent ; non pas la prudence, mais le courage et le mépris du danger ; non pas l’astuce mais la franchise et l’amour de la vérité ; non pas la diplomatie, mais l’amour du prochain et le sacrifice ; non pas le désir du succès, mais le désir d’exister et de savoir. »

Des éléments personnels qui prennent une dimension universelle, dans sa manière d’apporter son point de vue sur son rapport aux événements, les choix de vie. D’une anecdote elle dit la perte, l’exil, l’apprentissage, les joies, les douleurs, la mémoire, l’enfance ou la valeur de l’argent. Par ses fenêtres, nous entrevoyons la femme, l’écrivaine, l’épouse, la mère.

« Mon amie a un visage pâle et masculin, et elle fume avec un fume-cigarette noir. Lorsque je la vis pour la première fois, assise à une table, avec ses lunettes cerclées d’écaille et son visage mystérieux et méprisant, avec son fume-cigarette noir entre les dents, je trouvais qu’elle ressemblait à un général chinois. Je ne savais pas alors qu’elle avait des chaussures trouées. Je l’ai su plus tard. »

L’écriture est précise, sans fioriture. Natalia Ginzburg réfléchit, médite, mais ne part pas en digressions. Nous sommes entre l’autobiographie et l’essai. On se plaît à faire sa connaissance, à apprécier ses tournures, son regard tranchant, son humour. Ses réflexions sur l’existence sont attentives, touchantes, en disent long sur les maux du siècle. Un tableau de l’Italie des années 40-60 se dessine, historique, politique, intellectuel, l’Histoire vue par la petite porte, et c’est à la fois terrible et magnifique.

Une très belle découverte, une belle mise en bouche avant d’aller fureter du côté de ses romans, qui plus est dans un écrin sublime, comme savent si bien le faire les éditions Ypsilon.

« Douloureusement arrachées au silence, les rares paroles, les paroles stériles de notre époque émergent comme des signaux de naufragés, comme des feux allumés entre des collines très éloignées, appels plaintifs et désespérés que l’espace engloutit. »

Les petites vertus
Natalia Ginzburg
traduction Adriana R. Salem
Ypsilon éditeur
2018
parution initiale en 1962

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3 commentaires sur “Les petites vertus – Natalia Ginzburg (Ypsilon)”

  1. Je n’ai jamais entendu parler de Natalie Ginzburg et ton billet me donne envie de partir à sa rencontre. Le genre proposé n’est pas ce vers quoi je me tourne le plus facilement mais je suis curieuse de le lire, d’autant plus si l’écriture est belle.

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