Autant dire les choses comme elles sont. Vanda, c’est l’une des claques de ce déconfinement. La dernière à m’avoir fait autant tordu les boyaux à sa lecture est Sandrine Collette dans Les larmes noires sur la terre. Je reste fascinée et presque sans voix devant cette justesse sur la violence sociale et sociétale dont ces autrices font preuve, avec des mots à la fois directs et flamboyants, sans misérabilisme mais avec poigne, et où l’on entraperçoit même une certaine fierté. Quel talent de savoir restituer cette brutalité, et en même temps tout l’amour, bancal mais si fort.
Vanda a élevé son fils seule. Noé, son bulot, haut de six ans. Un duo qui s’empoigne, qui prend et fait avec. Vanda ne demande rien, ne se plaint pas. Mais il faut lui ficher la paix. Son histoire, sa condition, ses galères lui filent les crocs. Elle garde la tête haute, se perd dans la mer ou dans l’alcool puis refait surface. Mère louve qui veille, maladroitement et à bout de bras, et pour autant si forte, restant digne au delà des blessures. Quand Simon débarque, l’équilibre fragile vacille. Il découvre un fils qu’il ignorait, se sent concerné, se fait insistant. Le père se révèle et la mère resserre son instinct. Joindre les deux bouts, donner l’illusion, est déjà si compliqué et intense au quotidien, il fallait en plus qu’on lui remette le nez dedans à Vanda. Vanda, qui retrouve ses rêves d’ailleurs, un eldorado lumineux et sucré rempli de perspectives. Mais la poisse colle. Et la tragédie guette dans l’ombre.
« Vanda voit surtout que ce sont deux choses contradictoires, un peu comme baisser le nombre d’enseignants pour promouvoir l’éducation ou faire sauter des allocs pour lutter contre la pauvreté. Elle n’est pas cortiquée pour ce type d’illogisme. Au rythme où se multiplient les non-sens, les hôpitaux psychiatriques vont se remplir de plus en plus, c’est tellement évident qu’il n’y a pas besoin d’avoir fait Science Po pour s’en rendre compte. Ça pourrait bien la rendre folle, et d’autres avec elle. Les pulsations, aux tempes, lui serrent la tête. Dire qu’elle a envie de renverser lu bureau devant elle est un euphémisme. »
Marion Brunet ne se voile pas la face sur les tournures dramatiques que peut prendre la vie, et fait preuve d’audace et de grand talent dans ce récit touchant, troublant et passionné. Si j’avais trouvé L’été circulaire un peu en dessous comparé aux autres, par quelques rouages un peu attendus, Marion Brunet frappe ici très fort et montre une fois de plus quelle grande écrivaine elle est.
Vanda
Marion Brunet
Albin Michel
2020
235 pages
Ce roman me fait envie depuis sa sortie. Je finirai par le lire, c’est certain