Plein gris – Marion Brunet (PKJ)

Huis clos en pleine mer entre roman noir, scénario catastrophe et amitié fissurée

Décidément, Marion Brunet n’a pas fini de nous surprendre pour décrire l’angoisse ordinaire, celle du quotidien qui sort de ses gonds à en déraper méchamment.

Ici, une bande de potes de toujours ou presque qui part en virée à bateau. Ils ont leurs habitudes, des années de club de voiles derrière eux, un bateau qu’ils connaissent déjà bien, un temps radieux, et l’Irlande en ligne de mire. Toutes les conditions sont réunies pour passer quelques jours hors du temps et plein de saveurs, et pourtant, se retrouver face à eux mêmes va exacerber des ressentiments violents et affûter les traits de caractère.

« Seul Sam essayait encore de croire que rien n’avait changé. Que les paroles de Clarence pouvait être effacées dans le tintement des verres et une bonne rigolade. Mais c’était fini, Élise et moi, on l’avait bien compris. Il n’y avait plus de nous, Clarence venait de le salir avec perte et fracas.
Il nous dépouillait de tout ce qu’on avais mis dans cette amitié. En quelques phrases, il nous rendait minables, et lui avec nous. Et j’ai compris que ça avait commencé depuis un moment déjà. »

L’un d’eux y restera, nous cueillant d’entrée, avec ce fil que nous remontons ensuite au fil des pages et des événements, en mer et en amont, dévoilant les failles qui se nichent aussi dans les grandes et belles histoires d’amitié.

Le temps est à l’orage, à tout point de vue. La mer s’emporte, les sentiments se bousculent et les esprits se voilent. Marion Brunet interroge ses personnages autant le lecteur, sur les relations humaines, l’intensité des sentiments, les confiances toxiques, les contradictions, la fougue adolescente. En miroir, un scénario catastrophe pas révolutionnaire mais qui sait se faire haletant car amené avec finesse et crédibilité. Les chapitres courts et phrases resserrées s’attachent à l’action et aux émotions, à la perte de repères, d’une efficacité renversante.

« Nous sommes entre deux murs de mer grise. J’ai l’image d’un étau, soudain, et du bateau noyé dans le ventre d’une lame immense, happé par deux mouvements contradictoires. »

Un texte fort où nous sommes à la fois pris dans la tempête musclée et dans l’histoire de ce groupe très soudé qui pourtant se fissure.

Un roman pour ados, pour adultes, à partager absolument.

De la même autrice sur Ça sent le book : Dans le désordre, L’été circulaire, Vanda

Plein gris
Marion Brunet
Pocket Jeunesse
2021
196 pages

2 commentaires sur “Plein gris – Marion Brunet (PKJ)”

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