Les classiques Olé Olé sont ce mois-ci à l’honneur. Ici un gentillet roman libertin du dix-huitième siècle, par le frère du comte de Mirabeau himself, où l’on suit un jeune homme au fil de ses amours, rencontres, séduction entre deux portes, ou comment les gens de bonne famille occupent leur temps à jouer des coudes pour recueillir les faveurs de l’une ou l’autre. Eau de rose un chouïa pimentée, belles trouvailles dans les tournures et gravures dans le jus de l’époque au menu.
Auteur/autrice : Alice
L’Oiseau rare – Guadalupe Nettel (Dalva)
Guadalupe Nettel s’attache dans ses romans aux quêtes individuelles, aux drames ordinaires, aux fluctuations de nos vies. Dans L’Oiseau rare, c’est la question de la maternité qui est soulevée, avec une belle trempe et une solidarité lumineuse.
Harvey – Emma Cline (La Table Ronde)
Emma Cline semble aimer percer l’envers de personnalités à la chaleur humaine mal placée. Après Charles Manson dans The Girls, elle s’attaque à Harvey Weinstein dans un court roman tendu et irritant.
Encabanée – Gabrielle Filteau-Chiba (Le Mot et le Reste)
Encabanée, ou l’histoire d’une jeune femme qui claque tout pour aller vivre dans les bois québécois, dans un chalet sans électricité ni eau courante. Sauf que bien vite, le romantisme de la démarche s’envole pour des questions de survie pure car on ne s’improvise pas femme des bois comme ça. Non pas qu’elle l’ignorait mais la rudesse et la solitude sont pleines de surprises.
Le postier – Charles Bukowski
Un roman autobiographique par l’écrivain qui ne l’est alors pas encore et augure pas mal de choses pour la suite à venir du gros dégueulasse qu’il revendiquera plus tard. Ivresse, orgasmes, corps qui trinquent, souffrance, violence, poisse… Un premier cru qui reste assez soft par-rapport aux autres textes de Bukowski mais on est déjà bien dedans quand même.
Blizzard – Marie Vingtras (Editions de l’Olivier)
Alaska. Une tempête s’apprête à faire fureur. Les quelques habitants du bled où nous propulse l’autrice se préparent à se calfeutrer durant plusieurs jours. C’est aussi à ce moment-là que Bess, à l’extérieur, refait ses lacets et perd de vue le garçon de 10 ans qui l’accompagnait. Un huis clos balèze et bien senti en pleine nature qui se mue en portraits de vie, destins contrariés qui imposent des gestes ou en fuir d’autres.
Bilan, coupette et résolutions
Meilleurs voeux, bilan de l’année passée et une poignée d’envies.
Le gang des chevreuils rusés – Corinne Morel-Darleux (Seuil)
Un petit roman parfait pour les enfants qui commencent à être à l’aise avec la lecture. Une aventure trépidante qui éveille au passage au monde qui nous entoure. Foxy, 10 ans, rouquine intrépide au tempérament bien trempé, aime la nature et se réfugier incognito dans une cabane dénichée en bordure de forêt. Un jour, avec l’un de ses petits voisins, ils découvrent un panneau indiquant la construction prochaine d’un grand hôtel de luxe à cet endroit même. Conscients de ce que cela implique, ils décident de fonder avec une poignée d’amis Le Gang des Chevreuils Rusés et de tout mettre en œuvre pour faire capoter le projet.
Mirage – Edogawa Ranpo
Polars et romans noirs sont à l’honneur ce mois-ci pour ce retour aux classiques. Direction l’Asie avec le grand maître de la littérature policière japonaise, Edogawa Ranpo. Ici deux nouvelles, l’une davantage surnaturelle avec un suspense énigmatique aux petits oignons, l’autre noire angoissante aux côtés d’un misanthrope bien gratiné.
Shuggie Bain – de Douglas Stuart (Le Globe)
Enorme coup de coeur pour ce roman noir, prolétarien, social, qui pose le regard sur les laissés-pour-compte. Ce n’est certes pas très nouveau, on peut d’ailleurs rapidement penser à pas mal de monde, à ceci près qu’ici, lumière est faite sur une anti-héroïne, qui oscille à la fois péniblement et admirablement entre destin peu engageant, alcool réconfortant, entourage à couteaux tirés, atmosphère Thatchérienne en guise de rouleau compresseur et bouffées d’espoir sursautantes.
Les sorcières de Salem – Arthur Miller
Les histoires qui disent l’Histoire sont à l’honneur ce mois-ci pour le retour aux classiques. Ici, un pan de l’Histoire qui remonte à la fin du dix-septième siècle, alors qu’une chasse aux sorcières sévit aux abords de Salem dans le Massachussets. En 1692, 22 personnes seront exécutées pour soupçon de sorcellerie, pratique faisant un peu désordre dans une société au puritanisme un brin chatouilleux.
Seule en sa demeure – Cécile Coulon (L’Iconoclaste)
Dans les profondeurs du Jura, le domaine Marchère s’étend, se replie, s’attache aux corps qui l’animent. Une atmosphère lourde qui étreint avec une possession diffuse qui peut rassurer autant qu’attiser la méfiance. Nous y entrons par le virage dans la vie d’Aimée, qui elle-même entre dans la vie de Candre […]
Frankie Addams – Carson McCullers
Avec Frankie Addams, l’autrice célèbre l’adolescence dans toute sa complexité. Un thème qui lui est cher et qui occupe ici le devant de la scène, dans toute sa splendeur et ses tiraillements, avec le portrait franc et subtil d’une adolescente de douze ans pour qui le mariage de son frère cristallise en quelque sorte tous ses questionnements, ses envies, ses rejets. Trois jours durant lesquels elle va se projeter, rêver, changer, s’en prendre dans les dents aussi.
L’Astragale – Pandolfo & Risbjerg (Sarbacane)
Cavale, tapin et passion amoureuse dans le Paris des années 50-60. Très beau portrait d’une jeune femme volontaire portée par l’amour et la soif de liberté, qui se questionne, se remet en question et se donne les moyens sans faillir. Anne, un personnage à l’image d’Albertine, amoureuse autant qu’insoumise, butée, révoltée ou encore rêveuse à ses heures. BD tirée du roman d’Albertine Sarrazin.
Nouvelles de prison – Albertine Sarrazin (Le Chemin de fer)
Albertine Sarrazin, une autrice déterminée et affirmée à la vie trop courte et à l’oeuvre remarquable. Ses récits conjuguent verve argotique, poésie, regard franc et une certaine finesse audacieuse dans la langue. Dans ces Nouvelles de prison, elle décrit des scénettes d’un quotidien carcéral rythmé par le travail de couture, les jours de lessive, le café ou les fêtes de Noël. Des épisodes au cours desquels nous croisons co-détenues et surveillantes, amies sincères ou compagnies détestables. Un quotidien en huis clos qu’elle relate avec légèreté, humeur et humour, décrivant ce qui s’y noue et ce qui se joue, dans ce décor qu’elle côtoiera durant huit ans.
Thérèse et Isabelle – Violette Leduc
Violette Leduc a beaucoup officié dans l’autobiographie, racontant notamment ses émois, ses amours, sa manière d’être femme à travers son histoire. Dans Thérèse et Isabelle, elle relate une histoire d’amour qui durera trois jours et trois nuits, lors de son passage au pensionnaire de Douai dans les années 20. Thérèse a alors quatorze ans et ses sens encore balbutiants vont littéralement flamber avec impétuosité.
Un peu, beaucoup – Olivier Tallec (Pastel)
Olivier Tallec a décidément le don de poser finement les choses, dans des histoires à la fois mignonnes (j’ai pas dit gnan-gnan), malicieuses, et ancrées dans ce qui se joue dans le monde. Ici un écureuil perché sur son arbre, qu’il chéri chaque jour un peu plus tant il aime […]
Petit Pois – Davide Cali et Sébastien Mourrain (Actes Sud junior)
Petit Pois, petit bonhomme aux allures de Tom Pouce, autour duquel se tisse une vie à sa hauteur, des chaussures de poupée, un lit dans une boîte d’allumettes… Une vie à hauteur de bestioles qui lui convient plutôt pas mal jusqu’à son entrée à l’école où ça se complique. Coup de coeur pour cet album et ce petit personnage plein de ressources et à la détermination sans faille. dès 2-3 ans
Hérésies glorieuses – Lisa McInerney (La Table Ronde)
On se pose un moment à Cork, Irlande, où l’on croise le magouilleur Jimmy Phelan qui vient de rapatrier sa mère au pays après un exil anglais forcé, et où l’on suit leurs retrouvailles dérapantes, surtout quand la Maureen en question dézingue par erreur un type, déclenchant un sacré foutoir dans les affaires du fiston et de tout un tas de gens dont Tony et Ryan Cusack qui vont voir leurs trajectoires vriller, même si le tableau n’était déjà pas joli joli. Un roman réaliste, corrosif, impitoyable, revigorant, un bijou de noirceur à découvrir !
Lumière d’été, puis vient la nuit – Jon Kalman Stefansson (Grasset)
Dans un coin d’Islande bien loin de Reykvavik, dans un petit bled sans église ni cimetière, l’auteur nous raconte une poignée de vies millimétrées sur le point de se défaire de leurs carcans. Huit histoires croisées, entre destinées ordinaires qui sortent de leurs gonds et chroniques sociales qui se dessinent autour de lieux emblématiques – la laiterie, l’abattoir, la coopérative. Huit chapitres où les désirs prennent forme, où les illusions s’affirment ou se fracassent, où les relations se nouent, les corps se tendent, les envies deviennent des armes.