Faut-il encore présenter Des souris et des hommes ? Dans ce court roman qui pose les jalons des Raisins de la colère, John Steinbeck mettait déjà le paquet, avec ce duo improbable et bouleversant, entre Lennie Small le simple d’esprit à la corpulence massive impressionnante, le coeur sur la main et la main aussi tendre que dévastatrice, et George Milton, à la carrure plus resserrée, comme asséchée par la discrétion, la prudence et l’inquiétude, un type débrouillard qui fait figure d’autorité pour son acolyte. Un roman présenté ici dans la splendide version illustrée de Rébecca Dautremer.
Auteur/autrice : Alice
Le Tour d’écrou – Henry James
Dans ce court texte qui s’apparente même à une nouvelle, Henry James mène son lecteur aux confins de ses doutes, dans une narration parsemée d’ellipses et de fausses pistes, tout en subtilités, et à la délicieuse atmosphère fantomatique.
Viendra le temps du feu – Wendy Delorme (Cambourakis)
On n’attendait pas forcément Wendy Delorme dans un virage dystopique et pourtant ça lui va comme un gant !
Wendy Delorme est universitaire, performeuse, activiste féministe queer, écrivaine. Dans ce nouveau roman, cinq figurent s’articulent, Ève, Louise, Rosa, Raphaël, Grâce. Par leurs regards et leurs luttes se déploie un flamboyant et incandescent roman, très sororal, qui se tisse de part et d’autre du fleuve où tout s’est joué et où tout reste à faire.
Nellie Bly – Dans l’antre de la folie – Ollagnier et Maurel (Glénat)
Très chouette adaptation du récit de la journaliste Nellie Bly paru à la fin du dix-neuvième siècle, s’appuyant sur son internement à l’asile de Blackwell, New York. Dans ce reportage, Nellie Bly pointe les dérives de l’autorité par charité publique, la bonté qui se mue en coups et torture, la folie qui guette comme repli, et l’argent qui entre dans certaines poches au détriment de sa destination initiale, par cupidité, simple profit ou étroitesse d’esprit qui ici, sous couvert d’aliénation mentale, se permet bien des choses.
Débâcle – Lize Spit (Actes Sud)
Dans un coin de Flandre, Laurens, Pim et Eva vont traverser un été fait de défis, de découverte du sexe, du pouvoir et de tout ce qui fait l’adolescence, le tâtonnement des limites, les corps qui s’affirment en même temps que les esprits se dessinent encore.
Berghain : Berlin Bacchanales – Guillaume Robin (le murmure)
Le Berghain, mythique club techno berlinois. Vingt ans de soirées folles et débridées, sorte de bacchanales modernes où les corps entrent en résonance avec le lieu. Un temple de la liberté qui se mérite puisque pas mal de monde se fait refouler, les moeurs ultra-codées dévoilant surtout une résistance au tourisme de masse et à la gentrification qui rebat les cartes et les plans de villes. Guillaume Robin décrypte les codes, les moeurs, détermine les contours, la distorsions des corps, dans leurs postures, leurs regards, leurs genres, le théâtre qui se joue.
Les petites vertus – Natalia Ginzburg (Ypsilon)
Natalia Ginzburg est née en 1916. Autrice de romans, de pièces de théâtre, d’essais, traductrice de Maupassant, Flaubert et Proust, éditrice, elle a généreusement parcouru les sphères littéraires italiennes, obtenu de nombreux prix littéraires, a côtoyé Italo Calvino et Cesare Pavese, et reste pourtant aujourd’hui encore injustement méconnue. Les petites vertus regroupe onze textes écrits entre 1944 et 1960, dans lesquels l’autrice évoque les années de guerre, la mort de son époux tué par les fascistes, son rapport à l’Angleterre, les relations humaines, le métier d’écrivain, la vie conjugale…
A la ligne, feuillets d’usine – Joseph Ponthus
« J’écris comme je pense sur ma ligne de production
divaguant dans mes pensées seul déterminé
J’écris comme je travaille
A la chaîne
A la ligne »
La vie à l’usine, les corps qui morflent, les cadences à tenir, Joseph Ponthus écrit la condition ouvrière dans son jus, avec éloquence, humanité et sensibilité. Un indispensable !
Les villes invisibles – Italo Calvino
Il faut accepter de lâcher prise et de se laisser porter, dans cette conversation imaginée entre le jeune explorateur Marco Polo et l’empereur Kublai Khan chez qui il résida. L’empereur ne pouvant se déplacer dans l’ensemble des villes conquises, demande à Marco Polo de lui décrire, ce qu’il honore avec majesté et malice puisque ses descriptions restent magnifiquement énigmatiques. Les villes revêtent des caractères extraordinaires, merveilleux, à travers ce qui en fait le sel de manière impalpable.
Sur les ossements des morts – Olga Tokarczuk (Libretto)
Plongée dans un coin de forêt polonaise en bord de Tchéquie, plutôt tranquille jusqu’à ce qu’un type soit retrouvé mort, puis deux, puis… Des disparitions qui restent énigmatiques et devant lesquelles les enquêteurs piétinent. Janina Doucheyko, en bonne voisine qui passe volontiers pour la vieille allumée de service avec ses prédictions astrologiques et son tempérament bien trempé, soulève similitudes et curiosités naturelles, imaginant une vengeance orchestrée par les animaux.
Jours de sable – Aimée de Jongh (Dargaud)
Époustouflante BD qui brosse l’Amérique des années 30, entre crise économique et sècheresse intense qui cerna une partie des Grandes Plaines. Un récit très documenté qui prend aux tripes, graphiquement on s’en prend plein la vue avec des tonalités qui nous plongent dans cette atmosphère sablonneuse, des paysages saisissants, des personnages touchants et troublants. Une pépite à faire tourner !
Plein gris – Marion Brunet (PKJ)
Huis clos en pleine mer entre roman noir, scénario catastrophe et amitié dramatiquement malmenée. Un texte fort où nous sommes à la fois pris dans la tempête musclée et dans l’histoire d’un groupe de jeunes très soudé qui pourtant se fissure. Un roman pour ados, pour adultes, à partager absolument.
Goodnight Paradise – Dysart & Ponticelli (Panini comics)
Excellent comics ambiance polar social, plages californiennes, poisse et crime crapuleux, avec une enquête menée par Eddie, sans-abris qui refuse de lâcher l’affaire après avoir découvert le cadavre d’une jeune fugueuse qui n’émeut pas grand monde. Un récit palpitant et saisissant.
Mari Moto seule contre l’ouragan – Dorothée de Monfreid (Seuil)
Une tornade qui balaie tout sur son passage, une aventurière qui n’a pas froid aux yeux et chevauche la moto de sa grand-mère pour aller chercher les secours… Un road trip enlevé et audacieux qui convoque à la fois l’aventure, le dépassement de soi, la prise de risque, la solidarité. Un premier volume qui donne très envie de découvrir d’autres aventures de cette chouette Mari Moto. Un roman-BD à découvrir dès 8 ans.
Le Chancellor – Jules Verne
La survie en mode dix-neuvième siècle entre roman épistolaire, roman d’aventure, réflexions philosophiques et anthropophagie. Court roman dans lequel Jules Verne s’empare du naufrage de la Méduse survenu 60 ans plus tôt, une errance maritime qui s’éternise et par laquelle l’écrivain s’intéresse à l’ambivalence des sentiments qui s’exacerbent avec l’instinct de survie.
Les voyages de Gulliver – De Laputa au Japon – Galic & Echegoyen (Soleil)
Aventure, philosophie et satire politique dans cette belle BD dans laquelle Galic et Echegoyen nous font découvrir le troisième voyage de Gulliver dans lequel le docteur Lemuel Gulliver accepte de repartir en mission vers les Indes orientales, à condition de ne plus croiser ni nains ni géants. Diverses péripéties au cours du voyage le conduiront pourtant à la rencontre de nouveaux mondes, l’île volante de Laputa, Balnibarbi, l’Académie de Lagado, Maldonada, l’île de Glubbdubdrib, le royaume de Luggnagg puis le Japon, avant de rejoindre l’Angleterre.
Le tour du monde en 72 jours – Nellie Bly
Récit de voyage d’une journaliste déterminée à la fin du dix-neuvième siècle. En novembre 1889, la journaliste américaine Nellie Bly entamait son périple en vue de faire le tour du monde en moins de 80 jours. Un défi à plusieurs échelles, lancé d’abord fictivement à Phileas Fogg, professionnel puisque l’époque voit tout juste apparaître le journalisme de reportage, et personnel puisqu’il est encore loin d’être banal de partir explorer en en solo de la sorte quand on est une femme. Elle se prendra bien quelques remarques, qu’elle retoquera efficacement, bien décidée à mener à bien son projet. Une rencontre passionnante et un voyage qui nous plonge littéralement dans le contexte de l’époque.
Je suis Camille -Jean-Loup Felicioli (Syros)
Coup de coeur pour cette histoire très fine sur la transidentité. Différence, amitié, tolérance, au coeur de cet album touchant, à partager dès 7-8 ans pour apprendre à se poser les bonnes questions.
Le vieil homme et la mer – Ernest Hemingway
Sur la côte cubaine, Santiago, un vieux marin qui n’a pas péché depuis plus de quatre-vingts jours, repart une fois de plus en pleine mer. Un texte absolument remarquable, dans lequel Hemingway brosse une certaine idée du destin immanquable, célèbre le courage, la ténacité, la fierté dans l’effort et non dans la réussite. Un récit fort et sensible, entre hymne à la mer et légendes que l’on se transmet au coin du zinc.
Incroyable ! / Zabus & Hippolyte (Dargaud)
Touchante et étonnante histoire, d’un môme renfermé sur lui-même et bourré de toc, passionné par tout ce qui lui passe par l’esprit, à la curiosité si aiguisée qu’il la mue en fiches dans sa chambre aux allures de temple encyclopédique. Une BD surprenante entre poésie, quête, fable et drame.