Dans un coin d’Islande bien loin de Reykvavik, dans un petit bled sans église ni cimetière, l’auteur nous raconte une poignée de vies millimétrées sur le point de se défaire de leurs carcans. Huit histoires croisées, entre destinées ordinaires qui sortent de leurs gonds et chroniques sociales qui se dessinent autour de lieux emblématiques – la laiterie, l’abattoir, la coopérative. Huit chapitres où les désirs prennent forme, où les illusions s’affirment ou se fracassent, où les relations se nouent, les corps se tendent, les envies deviennent des armes.
Catégorie : Littérature
Des souris et des hommes – John Steinbeck mis en images par Rébecca Dautremer (Tishina)
Faut-il encore présenter Des souris et des hommes ? Dans ce court roman qui pose les jalons des Raisins de la colère, John Steinbeck mettait déjà le paquet, avec ce duo improbable et bouleversant, entre Lennie Small le simple d’esprit à la corpulence massive impressionnante, le coeur sur la main et la main aussi tendre que dévastatrice, et George Milton, à la carrure plus resserrée, comme asséchée par la discrétion, la prudence et l’inquiétude, un type débrouillard qui fait figure d’autorité pour son acolyte. Un roman présenté ici dans la splendide version illustrée de Rébecca Dautremer.
Le Tour d’écrou – Henry James
Dans ce court texte qui s’apparente même à une nouvelle, Henry James mène son lecteur aux confins de ses doutes, dans une narration parsemée d’ellipses et de fausses pistes, tout en subtilités, et à la délicieuse atmosphère fantomatique.
Viendra le temps du feu – Wendy Delorme (Cambourakis)
On n’attendait pas forcément Wendy Delorme dans un virage dystopique et pourtant ça lui va comme un gant !
Wendy Delorme est universitaire, performeuse, activiste féministe queer, écrivaine. Dans ce nouveau roman, cinq figurent s’articulent, Ève, Louise, Rosa, Raphaël, Grâce. Par leurs regards et leurs luttes se déploie un flamboyant et incandescent roman, très sororal, qui se tisse de part et d’autre du fleuve où tout s’est joué et où tout reste à faire.
Débâcle – Lize Spit (Actes Sud)
Dans un coin de Flandre, Laurens, Pim et Eva vont traverser un été fait de défis, de découverte du sexe, du pouvoir et de tout ce qui fait l’adolescence, le tâtonnement des limites, les corps qui s’affirment en même temps que les esprits se dessinent encore.
Les petites vertus – Natalia Ginzburg (Ypsilon)
Natalia Ginzburg est née en 1916. Autrice de romans, de pièces de théâtre, d’essais, traductrice de Maupassant, Flaubert et Proust, éditrice, elle a généreusement parcouru les sphères littéraires italiennes, obtenu de nombreux prix littéraires, a côtoyé Italo Calvino et Cesare Pavese, et reste pourtant aujourd’hui encore injustement méconnue. Les petites vertus regroupe onze textes écrits entre 1944 et 1960, dans lesquels l’autrice évoque les années de guerre, la mort de son époux tué par les fascistes, son rapport à l’Angleterre, les relations humaines, le métier d’écrivain, la vie conjugale…
A la ligne, feuillets d’usine – Joseph Ponthus
« J’écris comme je pense sur ma ligne de production
divaguant dans mes pensées seul déterminé
J’écris comme je travaille
A la chaîne
A la ligne »
La vie à l’usine, les corps qui morflent, les cadences à tenir, Joseph Ponthus écrit la condition ouvrière dans son jus, avec éloquence, humanité et sensibilité. Un indispensable !
Les villes invisibles – Italo Calvino
Il faut accepter de lâcher prise et de se laisser porter, dans cette conversation imaginée entre le jeune explorateur Marco Polo et l’empereur Kublai Khan chez qui il résida. L’empereur ne pouvant se déplacer dans l’ensemble des villes conquises, demande à Marco Polo de lui décrire, ce qu’il honore avec majesté et malice puisque ses descriptions restent magnifiquement énigmatiques. Les villes revêtent des caractères extraordinaires, merveilleux, à travers ce qui en fait le sel de manière impalpable.
Sur les ossements des morts – Olga Tokarczuk (Libretto)
Plongée dans un coin de forêt polonaise en bord de Tchéquie, plutôt tranquille jusqu’à ce qu’un type soit retrouvé mort, puis deux, puis… Des disparitions qui restent énigmatiques et devant lesquelles les enquêteurs piétinent. Janina Doucheyko, en bonne voisine qui passe volontiers pour la vieille allumée de service avec ses prédictions astrologiques et son tempérament bien trempé, soulève similitudes et curiosités naturelles, imaginant une vengeance orchestrée par les animaux.
Plein gris – Marion Brunet (PKJ)
Huis clos en pleine mer entre roman noir, scénario catastrophe et amitié dramatiquement malmenée. Un texte fort où nous sommes à la fois pris dans la tempête musclée et dans l’histoire d’un groupe de jeunes très soudé qui pourtant se fissure. Un roman pour ados, pour adultes, à partager absolument.
Le Chancellor – Jules Verne
La survie en mode dix-neuvième siècle entre roman épistolaire, roman d’aventure, réflexions philosophiques et anthropophagie. Court roman dans lequel Jules Verne s’empare du naufrage de la Méduse survenu 60 ans plus tôt, une errance maritime qui s’éternise et par laquelle l’écrivain s’intéresse à l’ambivalence des sentiments qui s’exacerbent avec l’instinct de survie.
L’oiseau moqueur – Walter Tevis (Gallmeister-Totem)
Les éditions Gallmeister rééditent cette dystopie visionnaire et pleine de symboles, d’un auteur américain peu connu en France et pourtant à l’origine de plusieurs mythes de la pop-culture.
Le tour du monde en 72 jours – Nellie Bly
Récit de voyage d’une journaliste déterminée à la fin du dix-neuvième siècle. En novembre 1889, la journaliste américaine Nellie Bly entamait son périple en vue de faire le tour du monde en moins de 80 jours. Un défi à plusieurs échelles, lancé d’abord fictivement à Phileas Fogg, professionnel puisque l’époque voit tout juste apparaître le journalisme de reportage, et personnel puisqu’il est encore loin d’être banal de partir explorer en en solo de la sorte quand on est une femme. Elle se prendra bien quelques remarques, qu’elle retoquera efficacement, bien décidée à mener à bien son projet. Une rencontre passionnante et un voyage qui nous plonge littéralement dans le contexte de l’époque.
Le vieil homme et la mer – Ernest Hemingway
Sur la côte cubaine, Santiago, un vieux marin qui n’a pas péché depuis plus de quatre-vingts jours, repart une fois de plus en pleine mer. Un texte absolument remarquable, dans lequel Hemingway brosse une certaine idée du destin immanquable, célèbre le courage, la ténacité, la fierté dans l’effort et non dans la réussite. Un récit fort et sensible, entre hymne à la mer et légendes que l’on se transmet au coin du zinc.
L’attaque du Calcutta-Darjeeling – Abir Mukherjee (Gallimard)
Polar indien moite et passionnant qui nous propulse sans tergiversation à Calcutta en 1919. Une sorte de Ian Rankin à l’indienne où l’on se frotte à la fois au contexte social, aux politiques véreux, au colonialisme forcené et aux fumeries d’opium. Du polar historique sans en avoir l’air, très immersif et efficace, à découvrir sans tarder !
Il était une fois dans l’Est – Arpàd Soltész (Agullo)
Un kidnapping qui tourne au vinaigre, des mafieux qui cherchent à arrondir les angles, des flics qui n’ont pas pour habitude de faire dans la dentelle, de la corruption à tous les étages, c’est tout le jus de ce polar musclé bien noir mais non dénué d’humour qui dépeint la Slovaquie des années 90 dans toute sa jovialité.
Classiques chéris !
Pour ce retour aux classiques entamé il y a déjà un an (hip hip hip !), sous l’impulsion de Moka et Fanny et aux côtés d’une chouette clique de motivé.e.s, rendez-vous est pris chaque mois autour d’un thème ou d’un auteur. Pour cet anniversaire, un bilan en guise de gâteau, et l’occasion de repenser à ces classiques qui nous ont marqués au cours de notre vie de lecteur.rice.
Lëd – Caryl Férey (Les Arènes)
Immersion dans le cercle arctique sibérien avec ce polar dépaysant à savourer en sirotant une vodka ! Caryl Férey change de cap et nous emmène dans le Grand Nord Sibérien, dans la ville décrite comme la plus pourrie du monde (et nous avons bien envie de le croire !). Un polar socio-ethnologique trépidant dans lequel on plonge totalement, bien mené, aux figures bien campées. Un roman hyper documenté, très instructif autant que révoltant.
L’Anomalie – Hervé Le Tellier (Gallimard)
Étonnant roman qui conjugue art du décalage et montée d’adrénaline. De l’action, du gravissime, des pointes d’humour ciselées, un régal de jeux d’esprit, des clins d’œil ciné, litté & more, un mélange un peu foutraque qui s’agence merveilleusement, ravissant les papilles oculaires et cérébrales.
Les misérables – Victor Hugo
La tendance ces derniers temps dans le monde culturel est à un retour aux classiques. Et il se pratique sur Ça sent le book des chroniques de classiques orientées par certaines tendances. Or dernièrement la tendance était à choisir un mythe sur lequel on avait un à priori négatif.
Et c’est exactement ce que j’ai fait en me tournant vers Les misérables de Victor Hugo, auteur que je tenais pour inintéressant et très poussiéreux, auréolé de son titre de classique des classiques, puisqu’il n’est pas une scolarité qui ne puisse se faire sans rencontrer ledit Victor à tous les coins de rue.